Guerre en Ukraine : ces citoyens transférés de force en Russie
Les citoyens déplacés en raison des combats dans l’est de l’Ukraine n’ont souvent pas d’autre choix que de rejoindre la Russie. Y compris des enfants dont on change prestement la nationalité.
La contre-offensive ukrainienne à l’est et au sud de Kharkiv provoque le déplacement d’habitants, y compris en Russie voisine. Le chiffre de 5 000 personnes a été évoqué. Ils fuient soit les combats, soit les représailles ukrainiennes s’ils ont été trop coopératifs avec l’occupant. Ils peuvent aussi avoir été conditionnés par les militaires russes. A l’occasion d’une autre phase de la guerre, l’organisation Human Rights Watch rapporte le témoignage d’un homme du village de Ruska Lozova, âgé de 70 ans. Il dit avoir reçu cet avertissement des Russes: «Vous avez vécu sous notre contrôle. Si l’armée ukrainienne vient, elle vous punira. Vous serez exécuté.» Lui n’a pas cédé, mais il affirme que des centaines de familles de son village sont parties en Russie.
Cet exemple parmi bien d’autres est tiré d’un rapport de l’organisation de défense des droits humains publié le 1er septembre sous le titre «Nous n’avions pas le choix. « Filtrage » et le crime de transfert forcé de civils ukrainiens vers la Russie». Au terme de son enquête sur des faits qui se sont essentiellement déroulés dans les régions de Kharkiv et de Marioupol, Human Rights Watch en arrive à la conclusion que «les autorités russes et celles qui leur sont affiliées ont transféré de force des civils ukrainiens, y compris parmi ceux qui fuyaient les hostilités, vers des régions d’Ukraine occupées par la Russie ou vers la Fédération de Russie, ce qui constitue une grave violation des lois de la guerre équivalant à un crime de guerre et un possible crime contre l’humanité». «Bien que le nombre total de civils ukrainiens transférés en Russie – soit volontairement, soit involontairement – demeure peu clair, beaucoup d’entre eux ont été transportés en Russie lors de transferts massifs organisés, alors qu’ils espéraient aller en territoire sous contrôle ukrainien, d’une manière et dans un contexte qui en font des transferts forcés illégaux», poursuit le rapport.
Plusieurs enquêtes
Ces accusations ne sont pas le fait d’une seule organisation. Un faisceau convergent d’enquêtes les conforte. Ainsi, le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a documenté un nombre important de dossiers de civils déplacés vers la Russie, «y compris une douzaine de cas où des membres des forces armées russes et groupes armés affiliés ont ordonné aux civils de Marioupol de quitter leurs maisons ou leurs abris», a relayé la sous-secrétaire générale des Nations unies aux droits de l’homme Ilze Brands Kehris devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 7 septembre.
La diplomate lettonne a aussi fait état d’«allégations crédibles» indiquant que des enfants ukrainiens seraient «déplacés de force» dans des zones contrôlées par la Russie. Celle-ci a simplifié les procédures d’octroi de la nationalité russe pour les plus jeunes et celles pour leur adoption. Or, «en vertu de l’ article 50 de la 4e Convention de Genève, il est interdit de modifier le statut personnel de ces enfants, y compris leur nationalité», a mis en garde Ilze Brands Kehris. Dans son rapport de septembre, Human Rights Watch documente un cas de transfert forcé de 17 enfants à la mi-mars d’un établissement de soins de Marioupol vers un lieu dans la république séparatiste de Donetsk, alliée de la Russie. En juin, six d’entre eux ont pu rejoindre leur famille d’adoption en France. L’ organisation ignore le sort réservé aux onze autres.
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