La rencontre entre Trump et Zelensky à la Maison Blanche a été d’une violence inouïe. © Joshua Sukoff/Medill News Service

Guerre en Ukraine: 5 questions en suspens après le fiasco de la rencontre Trump-Zelensky

Après le fiasco de la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky et le sommet européen de dimanche, quel tournant pour la guerre en Ukraine? Tour d’horizon en 5 questions.

Depuis la violente altercation entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky venu pour signer un accord sur l’exploitation des minerais ukrainiens, sous le regard ravi de Moscou et celui d’Européens médusés, le fossé qui s’est creusé entre Washington et Kiev est apparu au grand jour. Quid de la suite?

1. Une rupture durable entre les Etats-Unis et l’Ukraine?

Le ton montait déjà depuis quelques semaines entre le président américain et le dirigeant ukrainien, que Donald Trump avait qualifié de «dictateur» avant de minimiser son propos, sans pour autant se rétracter. Leurs relations se sont tendues après le désormais fameux coup de fil du 12 février entre le président américain et son homologue russe, Vladimir Poutine.

Après le départ prématuré de son homologue de la Maison-Blanche, Donald Trump a asséné sur sa plateforme Truth Social que Volodymyr Zelensky pourrait revenir «quand il sera prêt à la paix». De son côté, le président ukrainien a voulu directement calmer le jeu en remerciant le président Trump sur X. Au stade actuel des choses, aucun revirement dans les relations ne peut être exclu.

2. Quid de l’aide américaine?

L’Ukraine pourra difficilement se passer de l’aide américaine. Zelensky l’a reconnu de lui-même dès la fin de son entrevue houleuse avec Trump. «Ce sera difficile sans votre soutien», a déclaré le président ukrainien lors d’une interview à Fox News. L’Ukraine ne «veut pas perdre» le soutien américain, a-t-il insisté.

«La suite n’est pas claire», juge Brian Finucane de l’International Crisis Group auprès de l’AFP, soulignant que des indications émanant de l’administration laissent entendre «qu’elle pourrait réduire les livraisons d’armes à l’Ukraine actuellement dans les tuyaux», approuvées par la précédente administration de Joe Biden.

A ce stade, l’Europe n’aurait pas les ressources financières et militaires, ni l’unité, pour remplacer le soutien américain, estiment les observateurs.

3. L’accord sur les minerais est-il toujours sur la table?  

Le président ukrainien s’était rendu à Washington pour signer un accord-cadre sur une exploitation des minerais ukrainiens par les Etats-Unis. Pour le président américain Donald Trump, il s’agit d’une compensation pour l’aide militaire et financière versée par les Etats-Unis depuis trois ans à Kiev face à l’invasion russe. Selon l’accord, l’Ukraine versera les recettes à un fonds qui sera ensuite investi pour «promouvoir la sûreté, la sécurité et la prospérité de l’Ukraine».

Dimanche, Volodymyr Zelensky a déclaré que son pays était toujours prêt à signer l’accord sur les minerais: «L’accord qui est sur la table sera signé si toutes les parties sont prêtes».
«Si nous avons accepté de signer l’accord sur les minéraux, alors nous sommes prêts à le signer, nous sommes constructifs», a-t-il ajouté, après que Washington a laissé planer l’idée que le dirigeant ukrainien pourrait devoir partir s’il ne changeait pas de comportement.

4. L’Europe se réveille, comment peut-elle sauver les meubles?

Depuis le retour de Trump, l’Europe était reléguée au second plan dans les négociations de paix en Ukraine, au profit de la relation Trump-Poutine. Juste après l’altercation de vendredi à la Maison-Blanche, Zelensky a reçu le soutien massif des dirigeants européens, hormis celui de la Hongrie de Viktor Orban.

Deux jours après le clash, le Premier ministre Britannique, Keir Stramer, a réuni un sommet européen à Londres. Une quinzaine de dirigeants européens étaient présents, ainsi que la Turquie, le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Le sommet était prévu avant l’altercation Trump-Zelensky, mais les Européens ont resserré leurs rangs et se sont engagés à dépenser davantage pour la sécurité et à constituer une coalition pour défendre toute trêve en Ukraine. La Première ministre italienne Giorgia Meloni semble elle déjà exclure de rejoindre cette «coalition», estimant qu’il s’agissait d’une «solution qui risque d’être très complexe».

Le président français Emmanuel Macron a de son côté déclaré qu’il travaillait avec le Premier ministre britannique Keir Starmer sur une trêve d’un mois en Ukraine, «dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques». Il n’y a toutefois pas encore d’accord, a affirmé le secrétaire d’Etat britannique aux Forces armées ce lundi, après la sortie de Macron.

Plusieurs dirigeants ont plaidé pour que l’Europe se réarme, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avertissant que le continent devait de toute urgence «se préparer au pire». «Davantage de pays européens vont augmenter leurs dépenses de défense», a assuré Mark Rutte, saluant une «très bonne nouvelle».

Keir Starmer a par ailleurs annoncé un nouvel accord qui permettra à Kiev d’acheter 5.000 missiles de défense aérienne pour un montant de 1,6 milliard de livres sterling (1,94 milliard d’euros). Samedi, le Royaume-Uni avait signé un accord de prêt de 2,26 milliards de livres (près de 2,74 milliards d’euros) pour soutenir les capacités militaires ukrainiennes.

Un sommet spécial de l’Union européenne sur la défense est prévu jeudi à Bruxelles et pourrait permettre de dévoiler des propositions concrètes liées à un plan européen.

5. Les garanties américaines toujours dans la balance?

Au-delà du soutien financier et militaire à l’effort de guerre, le cœur du problème reste les garanties de sécurité en cas de trêve que Kiev réclame depuis des semaines à Washington. L’Ukraine demande de solides garanties de ses alliés pour prévenir, à terme, toute nouvelle invasion de son territoire par l’armée russe.

«Pour que la paix soit réelle, de réelles garanties de sécurité sont nécessaires», a répété Zelensky dimanche soir. Il a également insisté sur le fait que Kiev ne reconnaîtrait jamais les revendications territoriales russes en Ukraine. Ces garanties sont débattues, Kiev ayant évoqué notamment le déploiement de troupes étrangères de maintien de la paix, ainsi que la fourniture de moyens de défense antiaériens et maritimes.

Starmer et Macron se sont déclarés prêts à déployer des troupes britanniques et françaises en Ukraine pour veiller à préserver un éventuel cessez-le-feu, mais ils aimeraient pour cela un soutien des Américains, dit « backstop » (« filet de sécurité »). «L’Europe doit faire le gros du travail, mais pour défendre la paix sur notre continent, et pour réussir, cet effort doit être fortement soutenu par les Etats-Unis», a déclaré le dirigeant britannique.

Donald Trump ne s’est pas engagé sur des garanties de sécurité en Ukraine, mais Keir Starmer a affirmé que les discussions, «particulièrement celles sur la coalition de bonnes volontés», étaient basées sur «le soutien des Etats-Unis. Je ne m’engagerais pas sur cette voie si je ne pensais pas qu’elle aboutirait à un résultat positif pour que nous avancions ensemble, l’Ukraine, l’Europe, le Royaume-Uni et les Etats-Unis», a-t-il insisté.

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