Grèves au Royaume-Uni : l’impact incertain du Brexit
La crise du Covid perturbe l’évaluation du rôle du Brexit dans l’économie. Une étude sur les denrées alimentaires indique que les ménages les plus pauvres sont les plus affectés.
Appréhender l’actualité économique et sociale au Royaume-Uni à l’approche du passage à l’année 2023 amène nécessairement à questionner l’impact du Brexit, entré en vigueur il y a maintenant deux ans, sur celle-ci. Question simple, réponse difficile. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine rendent particulièrement compliqué l’établissement d’une relation de cause à effet.
«La crise du Covid a coïncidé avec l’entrée en vigueur du Brexit en janvier 2021. Il est donc compliqué de mesurer l’incidence de ce dernier sur l’économie, souligne Elsa Leromain, chercheuse à l’UCLouvain et affiliée au Centre for economic performance de la London School of Economics. D’autant que, par rapport aux autres pays d’Europe, la Grande-Bretagne a eu plus de mal à se remettre de l’épidémie. Des signes montrent toutefois que le Brexit a eu un impact. Même si à la lecture des chiffres, ce n’est pas hyperflagrant.»
Quels sont ces chiffres? L’inflation au Royaume-Uni figure parmi les plus élevées des pays européens – 11,1% en octobre contre 10,24% en Allemagne et… 12,27% en Belgique – mais elle ne tranche pas fondamentalement avec la tendance au sein de l’Union. Au troisième trimestre de 2022, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,2% et les projections pour 2023 tablent sur un recul de 1,4%. Celles de la Commission européenne évoquent une progression du PIB de 0,3% pour les Etats de la zone euro.
«L’ économie britannique n’est pas en bonne forme pour diverses raisons, poursuit Elsa Leromain. L’inflation en est une. C’est un élément tangible qui peut expliquer le mécontentement de la population. L’ évolution du PIB l’est moins. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura des différences avec les pays de l’UE sur le long terme, et que le choix du Brexit continuera à avoir une influence sur l’économie. Pour le moment, il est peut-être moins flagrant qu’il ne pourrait l’être en raison de la crise énergétique et de l’inflation forte à laquelle tous les pays sont confrontés.»
Facture alourdie
D’après un rapport publié le 2 décembre par des collègues d’Elsa Leromain au Centre for economic performance, le retrait de l’Union européenne a accru, en moyenne, de quelque 210 livres (245 euros) la facture d’alimentation des ménages britanniques pour les années 2020 et 2021, soit un montant global de 5,8 milliards de livres (6,7 milliards d’euros). «L’ étude montre également que les ménages les plus pauvres sont les plus affectés par cette hausse parce que la part qu’occupent les denrées alimentaires dans leur budget est plus élevée que dans d’autres familles, complète Elsa Leromain. Cela détonne avec ce que j’avais moi-même observé dans une enquête sur la période de transition, qui avait montré que les ménages de tous les niveaux de revenus étaient affectés.»
Par son modèle économique très ouvert et sa grande dépendance au commerce, le Royaume-Uni est par nature plus exposé aux variations des marchés que d’autres pays. Il n’a plus accès à la même main-d’œuvre à laquelle il pouvait recourir avant le Brexit, précise Elsa Leromain. «Avec le Brexit, le Royaume-Uni a pris un tournant qui n’était pas vraiment en accord avec la façon dont son économie fonctionne.»
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