
Comment on devient un «héros» de la résistance au génocide

Face à la machine génocidaire mise en place au Rwanda en 1994, Tharcisse Sinzi a survécu grâce à «un mélange d’ingéniosité, de courage, et surtout de hasard».
Le 7 avril, le Rwanda s’est recueilli en souvenir du génocide de 1994 qui a fait un million de morts au sein de la minorité tutsie et parmi les opposants hutus au régime du président Juvénal Habyarimana. Plusieurs livres ont retracé la violence indicible de ces crimes de proximité, commis par des voisins, le calvaire des survivants, la difficulté de la cohabitation entre victimes et bourreaux après l’œuvre de la justice. Rares sont les récits de faits de résistance qui se sont développés pendant les trois mois de massacres entre avril et début juillet 1994. C’est le grand intérêt du livre Combattre, écrit avec le journaliste Thomas Zribi, de relater le parcours de Tharcisse Sinzi, un habitant du village de Nyagisenyi, à l’est de la ville de Nyanza, dans le sud du Rwanda, qui, face à l’attaque annoncée des Hutus de la localité de Gikongoro, connus pour avoir perpétré des massacres de Tutsis en1959, a d’abord mobilisé la population locale, toutes ethnies confondues, puis a pris la tête des Tutsis qui ont fui dans les forêts voisines.
Sa survie, Tharcisse Sinzi la doit à «un mélange d’ingéniosité, de courage et surtout de hasard». L’ingéniosité quand il organise la résistance sur la plus haute colline du site de l’Institut des sciences agronomiques du Rwanda (Isar), en fortifiant, à coups de jets de pierre et de combats avec des outils agricoles, le versant le plus accessible aux assaillants. Le courage, lorsqu’il s’agit de continuer à se battre alors que les miliciens de la région ont reçu le renfort de gendarmes équipés d’armes lourdes, un tir d’obus de mortier faisant des dizaines de morts parmi les réfugiés. Le hasard aussi puisque dans leur débandade vers le Burundi après qu’un assaut les ait délogés de leur position, les fuyards, selon qu’ils prendront tel ou tel chemin, se précipiteront sous le feu fatal des agresseurs ou survivront.
Tharcisse Sinzi a «besoin de croire en l’innocence» des amis hutus de son enfance.
Le récit du sauvetage de Tharcisse Sinzi et des 117 fugitifs qui ont survécu parmi les quelque 3.400 qui l’accompagnaient est aussi une leçon de vie. Lui qui a perdu dans le génocide son père, son épouse et plusieurs de ses enfants dit «avoir besoin de croire en l’innocence» des amis hutus de son enfance. En portant assistance à la fille de l’un d’entre eux, ancien gendarme décédé de mort naturelle, «je l’aide autant qu’elle m’aide». A continuer à croire en l’humanité de l’autre.

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