Génocide au Rwanda: un fugitif mort… depuis quinze ans
Protais Mpiranya était accusé d’avoir organisé le massacre des dix Casques bleus belges au Rwanda, en 1994. Les enquêteurs de l’ONU viennent de confirmer sa mort… en 2006. Pourquoi tout ce temps?
Recherché depuis vingt-deux ans par la justice internationale, Protais Mpiranya est en réalité décédé des suites d’une tuberculose, le 5 octobre 2006, et enterré comme un indigent dans un cimetière au sud d’Harare, au Zimbabwe. En 2000, l’homme avait été inculpé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour son rôle dans le génocide des Tutsi en 1994, lui qui n’a pas hésité à faire jeter des grenades dans des églises remplies de femmes et d’enfants. Commandant de la garde présidentielle à l’époque, Mpiranya est également accusé d’avoir fait tuer la Première ministre Agathe Uwilingiyimana et les dix Casques bleus belges chargés de sa protection. Après le génocide, il se réfugie au Cameroun et reprend les armes en 1998 au Congo aux côtés d’officiers zimbabwéens venus soutenir le régime de Laurent-Désiré Kabila.
En 2002, il s’exile discrètement au Zimbabwe grâce à des complicités en haut lieu. C’est là qu’il vécut jusqu’à sa mort, sous l’alias de Sambao Ndume, le nom inscrit sur sa tombe. La date de son décès avait déjà été évoquée, notamment dans son livre posthume publié en 2010, Rwanda, le paradis perdu (éd. Sources du Nil). Pourquoi une confirmation si tardive? Sa présence au Zimbabwe et son décès furent «délibérément dissimulés par sa famille», souligne le Belge Serge Brammertz, le procureur de l’ONU qui mène la chasse aux fugitifs. Ensuite, il a fallu attendre la mort du président Robert Mugabe, en 2017, pour obtenir un début d’entraide judiciaire. Car il fallait des preuves. En septembre dernier, une perquisition en Europe a permis de mettre la main sur un ordinateur contenant une photo de l’enterrement et un plan qui a conduit à la tombe. Une exhumation le mois dernier et l’analyse ADN ont levé les derniers doutes.
Depuis l’arrestation, en 2020, en France, de Félicien Kabuga, présenté comme le financier du génocide, Mpiranya était le dernier «gros poisson» sur une liste de 93. Il reste encore cinq fugitifs dans la nature. Le prochain sur la liste s’appelle Fulgence Kayishema, ancien inspecteur de police. Mais là, c’est l’appui de l’Afrique du Sud qui, jusqu’à présent, a fait défaut.
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