Geert Wilders, du PVV d’extrême droite (à g.) et Pieter Omtzigt, du Nouveau contrat social: des ambitions compatibles? © getty images

Geert Wilders peut-il vraiment devenir Premier ministre des Pays-Bas ?

La victoire de l’extrême droite aux législatives n’est pas une garantie de pouvoir diriger le pays. Deux partis récemment créés pourraient cependant l’y aider.

A peine remis du choc des résultats des élections législatives du 22 novembre et de la victoire du Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders, les Néerlandais vivront probablement durant quelques mois dans l’incertitude politique. Au lendemain du scrutin, la presse ne parlait que de la majorité relative (37 sièges sur 120) du parti d’extrême droite du politicien de 60 ans, bien connu sur les bancs du Parlement. Immédiatement surgissait la question: Geert Wilders peut-il vraiment devenir Premier ministre des Pays-Bas? Parviendra-t-il à former une coalition? Peut-elle être durable?

Les premiers jours de la nouvelle ère ne présagent pas un avenir durable et paisible. Le 27 novembre, Gom van Strien, désigné par le PVV pour lancer les discussions sur la formation de la prochaine coalition, démissionnait déjà, à la suite d’accusations de fraudes parues dans le journal NRC, dont il se serait rendu coupable dans son précédent emploi. «Est-ce vraiment étonnant?», soupire Menno Hurenkamp, politologue à l’université des études humanistes d’Utrecht. «Cet incident avec Gom van Strien est annonciateur des événements à venir. La plupart des membres du PVV ont un passé compliqué et n’ont pas l’expérience politique pour faire partie d’un gouvernement. C’est la même chose pour le parti de Pieter Omtzigt (Nieuw Sociaal Contract, vingt sièges). Peu d’élus seront capables de faire preuve de professionnalisme politique.»

Une alliance à trois?

La tâche n’est pas aisée pour Geert Wilders. Avec l’annonce, le 24 novembre, du refus du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD, 24 sièges) de participer à un futur gouvernement, le politicien semble devoir s’orienter vers une coalition minoritaire au Parlement. Un paysage politique nouveau s’y est dessiné le 22 novembre. Le VVD (centre-droit) a perdu dix sièges, l’alliance de la gauche (Groenlinks-PvdA) se place en deuxième position en nombre de sièges (25), le BBB (Mouvement agriculteur-citoyen) a vu les rangs de ses élus gonfler (de un à six) alors que le NSC a fait un score record, puisqu’il obtient vingt élus alors qu’il n’existait pas lors des élections de 2021. Une situation complexe apparaît: le VVD doit accepter d’être le «parti silencieux», c’est-à-dire de soutenir la coalition sans faire partie de l’exécutif. «En somme, épauler les décisions du PVV à la Tweede Kamer, mais ne pas avoir de membres du VVD au sein du gouvernement», précise Menno Hurenkamp. Pour obtenir une telle alliance, la situation la plus probable serait une entente entre le PVV et le NSC. «A laquelle s’ajouterait peut-être le BBB, analyse l’expert de l’université d’Utrecht. Ce n’est pas un besoin pour le BBB, mais sa cheffe, Caroline van der Plas, a émis le souhait de participer au prochain gouvernement. Son parti compte beaucoup d’élus au Sénat (seize sièges sur 75). Elle pourrait aussi entrer dans la coalition minoritaire.»

Geert Wilders, du PVV d’extrême droite (à g.) et Pieter Omtzigt, du Nouveau contrat social: des ambitions compatibles?
Pieter Omtzigt, du Nouveau contrat social: ses ambitions sont-elles compatibles avec celle de Wilders? © getty images

Le politologue exprime des inquiétudes: le programme d’un gouvernement mené par le PVV et le NSC «sera très dur pour la culture et les universités». Quant à l’immigration, thème central des élections, la loi pourrait contrecarrer les plans de Geert Wilders. Sans majorité, le PVV ne pourra pas poursuivre son désir de fermer les frontières des Pays-Bas aux étrangers car les changements importants doivent être votés au Parlement et au Sénat.

Omtzigt n’est pas Wilders

Les spéculations vont également bon train à propos d’un éventuel «Nexit», une sortie de l’Union européenne. Malgré les intentions de Geert Wilders à ce sujet, un réel Nexit paraît peu probable. Lors du dernier débat télévisé à la veille des élections parlementaires, il a promis de mettre un peu d’eau dans son vin. Parlait-il alors de son désir d’interdire le Coran? Ou des mesures qu’il envisageait pour lutter contre l’immigration? Personne ne le sait. Une chose est sûre: il n’a pas proposé un Nexit lors de la dernière campagne électorale. Et pour cause, 10% seulement des Néerlandais sont pour une sortie de l’UE. «Cela jouerait donc totalement en sa défaveur», analyse Menno Hurenkamp. Et certains points des programmes du PVV, du NSC et du BBB ne concordent pas. «Ces différences pourraient entraîner de longs mois de négociations avant d’aboutir à un gouvernement», enchérit David Bos, politologue à l’université d’Amsterdam.

Pieter Omtzigt est du côté des lois, et il y tient.

Geert Wilders est un politicien antisystème, et se situe à l’extrême droite, au contraire de Pieter Omtzigt, le leader du Nieuw Sociaal Contract. Ancien parlementaire du VVD de 1998 à 2006, Wilders est un habitué de la Tweede Kamer. Depuis la création du PVV, en 2006, sa popularité n’a jamais baissé. Il incarne une extrême droite stable qui n’était pas favorite du peuple néerlandais jusqu’au 22 novembre. Malgré leurs idées communes radicales sur l’immigration, «Pieter Omtzigt est du côté des lois, et il y tient, confirme Menno Hurenkamp. Certaines idées farfelues de Wilders pourraient déplaire à l’ancien parlementaire chrétien-démocrate, comme celle d’interdire le Coran, qui serait une infraction à la loi néerlandaise.» Le dissident du CDA a aussi aidé les familles lors du scandale des allocations familiales, et nombre d’entre elles étaient issues de l’immigration.

De nouvelles élections?

Le politologue est plus optimiste que son collègue David Bos sur le délai pour la formation d’une équipe à même de diriger le pays: «Un gouvernement devrait pointer le bout de son nez à la sortie de l’hiver.» Et Menno Hurenkamp d’ajouter: «Sauf si Pieter Omtzigt n’arrive pas à s’entendre avec Geert Wilders. Dans ce cas, les choses se compliqueraient pour le PVV, qui devrait se trouver un nouvel allié au gouvernement. Et, surtout, commencer à discuter avec les partis de gauche et celui de Frans Timmermans, l’alliance de la gauche et des verts. Là, ce serait reparti pour des mois de négociations.»

De surcroît, même si un gouvernement est formé, le pays ne sera pas tiré d’affaire. Menno Hurenkamp et David Bos s’accordent sur une chose: quelle que soit l’issue, «le gouvernement ne tiendra pas longtemps et de nouvelles élections législatives anticipées devront être organisées dans les deux prochaines années». L’instabilité, devenue la norme aux Pays-Bas depuis 2021, a de beaux jours devant elle.

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