Christian Makarian
France, Royaume-Uni, Allemagne… les trois crises existentielles de l’Europe
Avant la fin de septembre 2017, les principaux pays d’Europe, soit trois des six plus grandes puissances économiques mondiales, auront connu des élections générales et procédé au renouvellement de la chambre basse de leur Parlement.
Le Royaume-Uni s’est rendu aux urnes le 8 juin ; la France, les 11 et 18 juin ; l’Allemagne votera le 24 septembre. Il en ressort des situations politiques très différentes, mais, dans ces trois modèles distincts, chaque dirigeant se trouve confronté à une ardente obligation de résultat.
La France a chargé son système politique de tous les maux. En réaction, elle s’est dotée de façon fulgurante d’un nouveau leader (qui provient de la sphère financière) et d’une nouvelle majorité (qui consacre la revanche des acteurs de la société civile). D’une part, le surgissement de 75 % de tout nouveaux députés est l’aboutissement de la décomposition du paysage politique, une sorte de coup de grâce donné au jeu des partis. D’autre part, le macronisme ne correspond à aucun des critères d’une révolution ; il est bien davantage la nouvelle génération d’un système qui confirme ses bases élitistes (surreprésentation des grandes écoles) et un visage rajeuni qui cache une grande fatigue (abstention record parmi les couches défavorisées). Macron est une promesse, qu’il va falloir tenir : de l’adoption de la loi Travail à la réduction des déficits publics à 3 % du PIB.
Le Royaume-Uni a attribué tous ses malheurs à l’Europe. Le relatif succès des travaillistes, en tout cas le net recul de Theresa May et des conservateurs, relève en partie de la même pulsion antiélitiste que celle qui a soulevé la vague brexitaire. Le ténor travailliste Jeremy Corbyn, aux options radicales, ne se soucie pas d’incarner une alternance crédible ; il verbalise le rejet du libéralisme dogmatique qui unit les conservateurs et surfe sur les maladresses de Theresa May. Laquelle a le défaut de ne pas rassurer… Alors que le modèle britannique se caractérisait par quelques vrais succès (entre autres éléments un taux de croissance enviable), la sanction populaire risque de continuer de frapper des dirigeants sommés de donner un cap national et une orientation sociale à l’économie la plus mondialisée et la moins solidaire d’Europe.
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L’Allemagne s’agrippe à son hégémonie économique. La prospérité est le ciment de la République née en 1949, à travers les épreuves : la réunification, le choc de la crise de 2008, la mauvaise passe de l’euro en 2013, la tension autour des migrants durant l’été 2015 (qui s’est calmée). Créditée d’un bilan impressionnant, Mme Merkel a retrouvé en quelques mois presque tous les points de popularité qu’elle avait perdus – notamment en martelant combien elle tient à la réduction des flux migratoires… Après avoir gouverné trois coalitions depuis 2005, que risque-t-elle de plus qu’une nouvelle entente forcée avec ses adversaires de la veille ? Il reste que, dans l’éventualité d’un quatrième mandat, elle devra éviter la solitude du premier de la classe au sein de l’UE : Berlin, déjà jalousement tancé par Trump, a besoin de redéfinir et d’étendre son emprise internationale. Etant donné que le Royaume-Uni ne fera plus partie du club, l’Allemagne se retrouvera bien seule avec toutes ses performances si une relance européenne n’est pas élaborée avec la France. Décidément, le président Emmanuel Macron est servi par l’histoire.
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