Crise politique en France: pourquoi Marine Le Pen a fait chuter le gouvernement Barnier
Les options à la disposition d’Emmanuel Macron après l’échec de Michel Barnier sont restreintes. La leader du Rassemblement national reste maître du jeu dangereux.
Dans la colonne des arguments pour ne pas voter la censure du gouvernement de Michel Barnier à l’Assemblée nationale, figuraient devant Marine Le Pen l’accusation à laquelle elle s’exposait d’avoir plongé la France dans le chaos politique et potentiellement économique, et la rupture consommée avec une partie du monde des affaires, qu’elle avait pourtant tenté laborieusement de séduire ces dernières années.
Dans la colonne des arguments pour tourner le pouce vers le bas et signer la chute du gouvernement de l’ancien négociateur européen du Brexit, s’étalaient les concessions tardives et insuffisantes du Premier ministre pour satisfaire ses demandes, le prestige d’apparaître comme la meilleure opposante au pouvoir de droite et de centre-droit en place, la satisfaction d’une partie de son électorat agacé de l’ébauche de compagnonnage du Rassemblement national avec les «partis du système», la sauvegarde d’une virginité anti-establishment dans la perspective de la future élection présidentielle, et peut-être même la possibilité que celle-ci soit tellement anticipée, après une démission contrainte d’Emmanuel Macron, qu’elle lui épargne l’application d’une inéligibilité éventuellement prononcée le 25 mars 2025 par le tribunal correctionnel de Paris dans le procès des assistants parlementaires du RN…
Marine Le Pen en grande prêtresse du futur politique et économique de la France, Emmanuel Macron ne l’avait pas imaginé.
«Premiers ministrables»
La balance penchait donc en faveur du «coup d’éclat»: le vote d’une motion de censure avec l’ennemi irréductible de La France insoumise –«l’alliance des contraires», ont fustigé les partis de gouvernement–, le renvoi du Premier ministre à la contemplation de sa terre d’adoption de Savoie après le mandat le plus bref de l’histoire de la Ve République, et le choix triple, en trompe-l’œil dans l’entendement de Marine Le Pen, laissé au président. Dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale? Il ne peut constitutionnellement le faire qu’un an après le précédente dissolution, soit après le 9 juin 2025. Remanier le gouvernement? Si c’est pour qu’il soit à nouveau censuré à la première occasion, autant opter directement pour le troisième choix: démissionner…
En cette entame du mois de décembre, il est illusoire, aux yeux du plus grand nombre, d’imaginer qu’Emmanuel Macron prenne ce chemin. La réponse annoncée au séisme provoqué à l’Assemblée nationale est de nommer au plus vite un nouveau chef de gouvernement. Soit le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, un macroniste qui inspire un certain respect au Rassemblement national, pour jouer la même partition, mais ce serait revenir à la case d’avant les élections législatives de juin et plus encore nier le message de l’électeur. Soit le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, aussi radical que l’extrême droite dans le domaine régalien, mais ce serait par trop concurrencer le parti de Marine Le Pen sur ses terrains de prédilection. Soit l’ancien ministre François Bayrou, centriste jusqu’au bout des ongles, pour espérer attirer des socialistes et fendre l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire, mais ce serait changer complètement d’orientation pour un résultat très aléatoire. Soit un Premier ministre technocrate à la tête d’une équipe réduite pour faire adopter un budget a minima sans prétention politique, et tenir jusqu’à la dissolution, mais cela ne contenterait ni Marine Le Pen ni les marchés…
Scénario opposé
La leader du Rassemblement national en grande prêtresse du futur politique et économique de la France. Emmanuel Macron ne l’avait pas imaginé en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin. Dans le plus risqué des scénarios, il espérait «mouiller» Jordan Bardella dans la fonction, plus ingrate encore en temps de crise, de Premier ministre, et ainsi ruiner les chances de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2027. Les deux ne se sont jamais sentis aussi puissants.
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