Christian Makarian
« Femme au sommet, sommet de la femme »
Une simple photo, prise la semaine dernière sur le perron de l’Elysée, montre côte à côte Emine Erdogan, l’épouse du président turc, et Brigitte Macron. Les deux affichent un sourire diplomatique, mais ce qui les sépare tient à un signe particulièrement ostensible et hautement significatif.
Tandis que la première arbore un voile qui enserre son gracieux visage, conformément à l’interprétation conservatrice de sa religion, la seconde porte un jean slim et une veste très » lookée « . Une femme au sommet incarne inévitablement une sorte de sommet de la femme suivant les critères de la civilisation concernée : l’une évolue dans l’esprit de liberté de la mode, l’autre veut représenter le discours moral par lequel son mari a accédé au pouvoir.
Dans son ardent désir d’être utile à de justes causes, Mme Macron incarne une transformation de la société et une évolution flagrante des canons traditionnels du couple, et véhicule un message éminemment politique appliqué aux rapports hommes-femmes. Ce que Pascal Bruckner a synthétisé par ces mots : » Le mode de vie occidental n’est pas négociable. » L’image du couple Macron est en elle-même un vecteur de message ; on l’a encore vu en Chine, pays où le prestige d’un homme (à l’égard des autres hommes) passe par une épouse nettement plus jeune. A l’instar de celles qui l’ont récemment précédée, mais mieux encore, Brigitte Macron ne conçoit pas sa fonction comme une réclusion au silence, aux expositions florales ou au thé entre dames. Contrairement à ce qu’affirment les intégristes partisans d’une fonction présidentielle strictement réservée à l’élu(e) du peuple, c’est là une distinction fondamentale entre la femme d’un président, qui est libre de définir son rôle pourvu qu’il s’exerce hors du fonctionnement des institutions, et l’épouse d’un souverain, qui est tenue de faire exactement ce qu’on lui demande.
La femme européenne se caractérise par la maîtrise de son destin
A ce titre, Brigitte Macron et son époux ont été bien inspirés de publier un texte qui établit noir sur blanc le rôle et les moyens de la conjointe présidentielle. Sans une définition précise, rien n’est clair dans la position de celle ou de celui qui doit accompagner celle ou celui qui détient le pouvoir. Tout au plus les comparaisons internationales offrent-elles certaines pistes de réflexion. Or, la principale conclusion qui en émerge conduit à la ferme confirmation que, par-delà son niveau social, la femme européenne n’est heureusement plus définie par la position de son mari : elle se caractérise principalement par la maîtrise de son destin. Pourquoi donc la femme du président français aurait-elle en la matière moins de droits qu’une simple citoyenne ?
En dehors des monarchies constitutionnelles (11 en Europe tout de même), dans lesquelles les mariages, les naissances et les décès sont considérés comme des événements nationaux – ce qui a pour effet de contraindre les femmes à une célébrité étroitement conditionnée par l’étiquette -, le statut des femmes au faîte du pouvoir est marqué par leur indépendance croissante à l’égard des figures imposées du couple. Il est assez frappant de constater qu’à l’écart d’âge existant entre Emmanuel Macron et son épouse répond le fait qu’Angela Merkel et Theresa May soient deux femmes sans enfant. Dans ces deux cas, du reste, le rôle de Joachim Sauer, époux de la chancelière (un chimiste éloigné de la politique), et de Philip John May (un brillant financier, qui se tient toujours trois pas derrière sa conjointe) se caractérise par une parfaite discrétion, qui s’affirme sans même le besoin de se livrer à des activités caritatives ou culturelles. A l’inverse, la tristesse visible de Melania Trump est difficile à décorréler de la personnalité de mâle alpha dont son mari a fait un argument électoral. Ce qui apparaît, en soi, comme le signe d’expression d’une Amérique en panne de modernité.
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