Ex-espion empoisonné: May pointe la responsabilité « très probable » de la Russie
La Première ministre britannique Theresa May a estimé lundi « très probable » que la Russie soit « responsable » de l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et l’a sommée de s’expliquer d’ici mardi soir, des accusations qualifiées de « provocation » par Moscou.
« Il est très probable que la Russie soit responsable » de l’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Youlia, a déclaré la dirigeante lors d’une intervention en fin d’après-midi devant le parlement britannique, signant une escalade de la tension entre les deux pays.
Moscou a aussitôt réagi en dénonçant une « provocation ». « C’est un numéro de cirque à destination du parlement britannique », a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, citée par les agences de presse.
C’est la première fois que la dirigeante britannique met en cause dans ces termes la Russie, qui avait toutefois été pointée du doigt par le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson dès la semaine dernière.
Soulignant que l’agent innervant utilisé contre le couple était une substance « de qualité militaire » développée par la Russie, Mme May a donné jusqu’à mardi soir à Moscou pour fournir des explications à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
« En l’absence de réponse crédible, nous en conclurons que cette action constitue un usage illégal de la force par l’État russe contre le Royaume-Uni. Et je reviendrai alors devant la chambre (des Communes) et présenterai l’éventail des mesures que nous prendrons en représailles », a-t-elle averti.
Un « jeu très dangereux »
Devant les parlementaires britanniques, Theresa May a estimé que l’empoisonnement, une attaque « aveugle et imprudente », relevait soit d’une « action ciblée » de l’État russe, soit d’une « perte de contrôle » par les autorités russes de l’agent innervant.
Theresa May a rappelé que l’empoisonnement s’inscrivait « dans un contexte bien établi d’agressions menées par l’Etat Russe », mentionnant le conflit au Donbass, l' »annexion illégale de la Crimée », les violations « répétées » de l’espace aérien de plusieurs pays européens, des campagnes de cyberespionnage, ainsi que l' »attaque barbare » contre Alexandre Litvinenko, ancien agent secret russe empoisonné au Polonium-210 et mort à Londres en 2006.
Évoquant les sanctions prises contre des ressortissants russes après l’affaire Litvinenko, qui « restent en place », elle s’est dite « prête à prendre des mesures plus importantes », mentionnant la présence de troupes britanniques stationnées en Estonie dans le cadre de l’Otan.
Interrogé avant l’allocution de Mme May par la BBC sur une éventuelle responsabilité de la Russie, le président russe Vladimir Poutine a répondu, selon les agences de presse russes : « Tirez les choses au clair de votre côté et après nous en parlerons avec vous ».
L’ambassade de Russie à Londres a accusé de son côté le gouvernement britannique de jouer un « jeu très dangereux ». Cela « envoie l’enquête sur une piste politique inutile, et porte le risque de graves conséquences à long terme pour nos relations » bilatérales, a déclaré un porte-parole de l’ambassade.
Le 4 mars, Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, ont été découverts empoisonnés sur un banc de la petite ville de Salisbury, en Angleterre. Ils sont dans un état « critique mais stable, en soins intensifs », tandis qu’un policier, également victime de l’agent innervant, est « conscient » et se trouve « dans un état grave mais stable ».
Enquête « complexe »
A Salisbury, une contamination « limitée » a été constatée dans le restaurant Zizzi ou dans le Mill Pub, où se sont rendus Sergueï Skripal et sa fille.
« Le risque pour le public est faible », a assuré Mme May.
Toutefois, des centaines de personnes ayant fréquenté ces lieux le jour ou le lendemain de l’empoisonnement ont été invitées dimanche à laver leurs vêtements et nettoyer leurs sacs à main, lunettes et téléphones portables avec des lingettes désinfectantes.
Ces conseils dispensés sept jours après l’incident ont provoqué la consternation.
« Cela fait une semaine. On a vraiment besoin de savoir ce qu’il se passe. Ou c’est vraiment vraiment grave ou ça ne l’est pas mais il n’y a pas d’entre-deux », a réagi une habitante de Salisbury, Debbie Power, citée par le Daily Telegraph.
Les lieux fréquentés par l’ex-espion restent fermés et encadrés par un cordon de police, tandis que l’enquête se poursuit. Plus de 240 témoins ont été identifiés et 200 éléments de preuve rassemblés. Des renforts militaires ont été dépêchés sur place pour déplacer des objets et des véhicules potentiellement contaminés.
C’est une enquête « complexe », a souligné dimanche le chef de la police de Wiltshire, Kier Pritchard.
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