Un voyage en Israël pour Macron? Oui, mais pas tout de suite
Emmanuel Macron, confronté à des équilibres complexes pour la diplomatie française, a choisi de temporiser après l’attaque du Hamas contre Israël.
« En fonction des discussions que je poursuivrai durant les prochains jours, j’envisagerai un déplacement. Simplement je veux pouvoir essayer d’obtenir des choses utiles » en y allant, a martelé vendredi le président français. Emmanuel Macron a en outre placé la barre très haut en termes d’objectifs : sécurité d’Israël, lutte contre le mouvement islamiste palestinien Hamas mais aussi non-escalade du conflit et reprise du « processus politique » pour la création d’un Etat Palestinien au côté de celui d’Israël.
A l’inverse, le président américain Joe Biden, le chancelier allemand Olaf Scholz et le Premier ministre britannique Rishi Sunak- ainsi que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen – ont fait le choix d’aller tout de suite en Israël, encore meurtri par l’attaque sanglante qui a fait plus de 1.400 morts le 7 octobre. La relative discrétion du président français, d’ordinaire prompt à offrir sa médiation et très volontariste dans les crises internationales, a pu surprendre.
« La situation est extraordinairement compliquée. On a la première communauté musulmane en Europe et la troisième communauté juive dans le monde », un contexte éminemment inflammable, concède Michel Duclos, ancien diplomate et conseiller spécial à l’Institut Montaigne. « Mais si Sunak et Scholz pouvaient le faire, je ne vois pas pourquoi on ne pouvait pas le faire », renchérit-il.
« Catastrophique »
Emmanuel Macron a exprimé un soutien sans faille aux Israéliens, leur « droit à se défendre », avant d’ajuster progressivement son propos en appelant la riposte israélienne à « épargner » les civils à Gaza et en évoquant la recherche d’une solution pacifique.
« La France est allée très loin dans son discours non nuancé (de soutien à Israël). Les retombées ont été catastrophiques dans tous les pays du Proche-Orient » en termes d’image, pointe Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et la Méditerranée à Genève. En témoignent les manifestations devant les ambassades de France de Tunis et Téhéran cette semaine.
Selon M. Abidi, la « valeur ajoutée » d’un tel voyage devenait alors improbable, « il a senti le piège qui se refermait ». « Pour un pays considéré comme une locomotive de l’Union européenne, membre du Conseil de sécurité (de l’ONU), il était en outre très difficile que son président arrive en deuxième ou troisième après Scholz ou von der Leyen« , avance-t-il encore.
A défaut de tournée dans le monde arabe – Joe Biden a aussi renoncé à aller à Amman – restait l’option d’un voyage en Israël seul. « Les Israéliens sont extrêmement sensibles aux gestes de solidarité parce que cette crise les renvoie à un sentiment d’insécurité et donc profondément à la question de la solitude des Juifs », relève le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi. « Aujourd’hui on ne peut pas aller en Israël si c’est pour leur dire qu’ils doivent s’asseoir d’une manière ou d’autre pour discuter« , dit-il aussi à l’AFP.
« Divisions »
La France a été de son côté rattrapée par un attentat islamiste qui a coûté la vie à un enseignant à Arras (nord), une semaine après l’attaque du Hamas, et qui a conduit à un amalgame avec le regain de violences israélo-palestiniennes. Le conflit au Proche-Orient peut être « un élément de division » en France « si on gère mal cette situation« , a d’ailleurs reconnu Emmanuel Macron, notant qu’il y avait « beaucoup de représentations » différentes et « une part émotionnelle » sur ce sujet.
Soucieuse d’afficher son autonomie d’analyse, la France a d’ailleurs tardé à attribuer le tir mortel qui a frappé un hôpital mardi à Gaza et provoqué de nombreuses manifestations dans le monde arabe. « L’hypothèse la plus probable est une roquette palestinienne qui a explosé », a fini par dire vendredi le Renseignement militaire français, deux jours après Américains et Israéliens.
Le président met aussi l’accent sur ses échanges avec tous les dirigeants de la région depuis le 7 octobre, et sur l’activisme de la France y compris auprès du mouvement chiite libanais pro-iranien Hezbollah pour prévenir une extension du conflit.
Mais pour Hasni Abidi, il sera « très difficile » pour la France de se positionner dans ce conflit sur lequel les « Américains exercent un monopole (diplomatique) exclusif ». « Et la petite marche qui restait pour la France est abîmée par la position du président français », affirme-t-il.
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