Harry et Meghan
Harry et Meghan © Getty

« Un rôle de second plan ne convient pas au caractère de diva de Meghan Markle »

Le Vif

Le livre très médiatisé du prince britannique Harry ne représente pas une menace pour la monarchie, estime Robert Lacey, spécialiste de la royauté britannique.

Harry, cinquième dans l’ordre au trône britannique, attaque la couronne à plusieurs reprises. A quel point est-ce dangereux pour le roi Charles III ?

Robert Lacey: La famille royale a connu pire dans son existence millénaire. Il est tentant de personnaliser la monarchie, mais l’institution ne se détruit pas si facilement.

La princesse Diana a dit un jour : « Ce n’est que lorsque Harry grandira qu’il réalisera la chance qu’il a de ne pas être l’aîné ». Avait-elle raison ?

Je ne pense pas. Le titre de son livre est Le Suppléant (en anglais : Spare, nvdr), ce qui prouve qu’il regrette son rôle de frère cadet. Il semblait se satisfaire de son rôle secondaire, jusqu’à son mariage.

La rupture entre Harry et William a commencé plus tôt. A partir du moment où Harry s’est mis à se considérer comme un « bouc émissaire », pour reprendre vos termes.

En effet. Comme en 2005, quand Harry est apparu à un bal costumé en uniforme nazi. William et Kate l’auraient poussé à le faire. Personne n’a jamais remis en question le rôle de « mentor » de William.

Harry a-t-il raison de dire que le palais ne les a jamais vraiment défendus, lui et Meghan ?

Très certainement. Harry a été fortement ciblé par les médias. Pour vraiment comprendre ses accusations, il faut examiner les rouages de la cour. Le système actuel de monarchie britannique représentative a été développé sous la reine Victoria au 19e siècle, à une époque où les monarchies européennes prenaient des directions différentes, devenant soit autoritaires, soit sans intérêt. Dans la famille royale britannique, les courtisans jouaient un rôle important. Il s’agissait d’un groupe de fonctionnaires ambitieux qui deviendraient plus tard ministres ou ambassadeurs. C’étaient eux qui décidaient des rôles représentatifs pour la famille royale.

Et donc les frères et sœurs des héritiers du trône sont devenus des paratonnerres ?

Ils ne gagnaient en importance que lors d’un décès ou d’une abdication. En public, ils devenaient des bouffons de la cour, un divertissement pour le peuple. Mais s’ils étaient prêts à jouer le jeu du système, ils pouvaient encore jouer des rôles importants.

Tout s’est bien passé jusqu’à ce que Meghan monte sur scène. Est-elle bourreau ou victime?

Si la femme de Harry avait été une simple fille de province, elle n’aurait pas, comme Kate, considéré son rôle comme un sacrifice. C’est lié à la hiérarchie. Meghan aurait été surprise que son mariage ne fasse pas d’elle une princesse, mais seulement une duchesse. Un rôle de second plan ne convient pas à son personnage de diva, à ses allures hollywoodiennes. En Grande-Bretagne, les membres de la famille royale et les célébrités ne sont pas pareils. C’est ce que Meghan ne peut ou ne veut pas comprendre.

Harry évoque également « l’élément raciste » : les médias britanniques ont salivé devant « l’ADN exotique » de Meghan ou ses prétendues origines « Straight Outta Compton ».

C’était vraiment méchant. La plupart des médias britanniques se sont réjouis que leur pays multiethnique et le Commonwealth à prédominance noire soient enfin mieux représentés dans la famille royale.

Mais Harry et Meghan soupçonnent également la famille royale de racisme. A juste titre ?

Non. Si quelqu’un défendait le multiculturalisme, c’était bien la  reine. Je me souviens qu’elle avait invité le musicien de jazz noir Count Basie à donner un concert dans les années 1950. C’était très inhabituel à l’époque. La reine ne regardait pas la couleur. Il existe une photo célèbre où elle danse avec le président ghanéen Kwame Nkrumah. C’était en 1961. A l’époque, cette photo avait choqué l’Amérique.

Pensez-vous que Harry et Meghan utilisent délibérément l’accusation de racisme pour nuire au palais?

Je le pense en effet, bien que ce soit une accusation sérieuse. Et je trouve fâcheux que le palais ne réponde pas plus durement à ces allégations. Il accorde trop d’importance à sa neutralité traditionnelle.

Peut-être que cela va changer. Harry accuse aussi son frère d’agression physique.

Il est bien connu que William peut être colérique, et c’est un problème. Ce sont des munitions pour les anti-monarchistes.

La réconciliation est-elle encore possible ?

Après toutes ces années ? Je ne pense pas. Il y a peu de chances que Harry et Meghan assistent au couronnement du roi Charles III.

(Der Spiegel)

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