Un rapport confidentiel dévoile comment Frontex aurait co-financé des refoulements de migrants
Selon une enquête menée durant un an par l’office européen de lutte antifraude, les refoulements de migrants sont bien pratiqués massivement par les autorités grecques à leurs frontières, en toute connaissance de cause de Frontex, l’agence européenne de garde-côtes et garde-frontières.
Depuis des années, des témoignages émergent régulièrement dans les médias européens, accusant la Grèce de pratiquer des « pushbacks », ce qui est illégal, et l’agence de surveillance des frontière Frontex de volontairement détourner le regard voire d’y participer. Un rapport de 129 pages de l’Olaf, l’office européen de lutte antifraude, confidentiel, va dans le même sens. Les enquêteurs de l’Olaf « confirment » les récits médiatiques de pushbacks de ces dernières années, et « révèlent que les faits étaient largement connus, et même dénoncés au sein de Frontex », peut-on lire dans Le Monde qui s’est, avec plusieurs autres médias procuré le rapport.
« Au lieu d’empêcher les ‘pushback’, l’ancien patron Fabrice Leggeri et ses collaborateurs les ont dissimulés. Ils ont menti au Parlement européen et ont masqué le fait que l’agence a soutenu certains refoulements avec de l’argent des contribuables européens », résume The Spiegel. Les conclusions des enquêteurs avaient provoqué la démission de Fabrice Leggeri fin avril.
De nombreux détails
Le rapport dévoile de nombreux détails. Comme quand les garde-côtes grecs ont, le 5 août 2020, remorqué un canot pneumatique avec trente migrants à son bord non vers la Grèce mais vers la Turquie. Un avion de Frontex qui patrouillait a filmé la scène. Au lieu de s’adresser aux autorités grecques, Frontex a arrêté de faire patrouiller des avions au dessus de la mer Egée, au motif qu’elle en avait besoin ailleurs. Les enquêteurs citent des témoignages de collaborateurs de Frontex mettant en cause M. Leggeri pour avoir fermé les yeux sur ces actes illégaux. Et ils ont trouvé une note écrite évoquant le retrait des avions de surveillance « pour ne pas être témoin ».
Lors d’une visite officielle à Athènes, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a indiqué que « grâce au rapport sur Frontex et à la publication aujourd’hui par l’autorité anti-corruption qu’il y a eu plusieurs cas (de refoulements ndrl) ». « Même si je ne peux évidemment pas vérifier en détail ce qu’il en est de chaque cas individuel », « il y a eu des pushbacks incompatibles avec le droit européen », a affirmé la ministre lors d’une visite aux bureaux de Frontex à Athènes.
Elle a souligné que « des mesures ont été prises immédiatement (…), nous en avons tous parlé aujourd’hui, pour que davantage d’observateurs des droits de l’Homme soient sur place », a-t-elle ajouté.
L’Olaf rapporte aussi qu’au moins six bateaux grecs, cofinancés par Frontex, auraient été impliqués dans plus d’une dizaine de refoulements entre avril et décembre 2020, ce que l’ancien directeur a toujours rejeté.
« Une série de mesures prises »
Interrogé sur la publication, une porte-parole de la Commission européenne a souligné qu' »une série de mesures » avaient déjà été mises en place pour régler la question de la gouvernance de l’agence, dirigée depuis début juillet par la Lettonne Aija Kalnaja.
« En terme de travail sur place avec les autorités grecques, il y a des progrès sur le terrain« , a ajouté Anitta Hipper, pointant aussi « une nouvelle proposition de loi pour garantir un système de surveillance solide » du traitement des demandeurs d’asile en Grèce.
En sept ans à la tête de Frontex, Fabrice Leggeri a accompagné le renforcement de l’agence, qui a été considérablement musclée et dont les effectifs – avec des agents désormais armés – doivent atteindre 10.000 gardes-côtes et gardes-frontières d’ici 2027.
La Grèce a toujours démenti tout refoulement illégal à ses frontières. Le ministre grec des Migrations Notis Mitarachi a indiqué jeudi qu’il n’avait lu que « le résumé » du rapport de l’Olaf, qui, selon lui, « ne blâme pas directement la Grèce ». « Nous avons le droit de protéger nos frontières« , a-t-il répondu aux médias.
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