Royaume-Uni: taxé d’antisémitisme, le Labour sur la défensive
Après un été à se défendre d’accusations d’antisémitisme, le parti travailliste pensait avoir tourné la page. Mais le sujet rattrape le premier parti d’opposition britannique à son congrès de Liverpool (nord-ouest de l’Angleterre).
« J’en ai marre de parler de l’antisémitisme au sein du parti travailliste », s’exaspérait dimanche la députée Ruth Smeeth lors d’un rassemblement du Jewish Labour Movement, une organisation affiliée au parti travailliste. « Mais je ne vais pas m’arrêter (…) nous allons gagner ce combat », ajoutait-elle, acclamée par la centaine de personnes rassemblée dans un pub de Liverpool, à quelques centaines de mètres du congrès.
Depuis son élection à la tête du parti, en septembre 2015, le chef du Labour, Jeremy Corbyn est taxé d’antisémitisme. Plusieurs membres du parti ont été suspendus, expulsés ou forcés de démissionner pour avoir fait des déclarations antisémites, mais il est accusé de ne pas en faire assez. Jeremy Corbyn s’est de nouveau vigoureusement défendu dimanche lors de l’émission politique phare de la BBC, affirmant qu’il « avait passé sa vie entière à combattre le racisme sous toutes ses formes ». Mais pour une douzaine de députés réunis au Jewish Labour Movement, les paroles ne suffisent pas. La députée Luciana Berger, cibles d’insultes et de menaces de morts sur les réseaux sociaux, a ainsi plaidé pour que le Labour fasse le ménage et enquête sur les cas d’antisémitisme qui lui sont rapportés via une « procédure plus rapide, plus juste et plus transparente ». « S’il s’agissait seulement de quelques membres proférant des stupidités sur les réseaux sociaux, peut être que cela aurait pu passer. Mais le fait est que l’antisémitisme semble être constitutif de l’ADN de certains à la gauche du parti, et bon nombre estiment que Jeremy Corbyn rentre dans cette catégorie », notamment en raison de son long engagement pro-palestinien, dit à l’AFP Tim Bale, professeur de l’Université Queen Mary de Londres.
Au rassemblement du JLM, le fondateur de Momentum, organisation dévouée à Corbyn et classée résolument à la gauche du parti, a joué l’apaisement: « il n’y a absolument aucune contradiction entre combattre l’antisémitisme et défendre les droits des Palestiniens », a-t-il déclaré, appelant de ses voeux une période de « calme et de réflexion ».
« Réel problème »
Les derniers mois ont en effet été animés. En mars déjà, Jeremy Corbyn devait se défendre des accusations d’antisémitisme. « Je ne suis pas un antisémite, je ne l’ai jamais été, je ne le serai jamais », affirmait-il au journal Jewish news, défendant son bilan. Des réponses jugées « pas assez bonnes » par le journal. Quelques jours avant, il avait été contraint de s’excuser pour avoir soutenu un artiste auteur d’une fresque aux symboles clairement antisémites.
En juillet, c’est une décision du comité national exécutif du Labour qui a relancé la polémique. L’instance avait décidé d’adopter un code de conduite ne reprenant que partiellement la définition d' »antisémitisme » élaborée par l’Alliance internationale pour le souvenir de l’Holocauste (IHRA). Ce code de conduite n’incluait pas plusieurs exemples associés à cette définition comme « accuser les juifs d’être plus fidèles à Israël qu’à leur propre pays » ou encore « comparer les politiques actuelles d’Israël à celle des nazis », de crainte que cela l’empêche de critiquer la politique israélienne.
Furieuse, la députée Margaret Hodge, membre de longue date du Labour, a qualifié le chef de son parti de « raciste » et d' »antisémite ». Et trois journaux juifs britanniques, le Jewish Chronicle, le Jewish News et le Jewish Telegraph, l’ont accusé de poser « une menace existentielle » à la communauté juive. Jeremy Corbyn a reconnu début août que sa formation avait un « réel problème » d’antisémitisme et assuré qu' »éliminer l’antisémitisme du parti et restaurer la confiance » étaient ses « priorités ». Mais la blessure n’a pas cicatrisée, et l’émergence d’une vidéo datant de 2013 a mis de l’huile sur le feu. Elle montre Jeremy Corbyn déclarer qu’un groupe de « sionistes » n’a « pas le sens de l’ironie », bien qu’ils « vivent dans ce pays depuis très longtemps ». Vivement critiqué, le chef travailliste ne s’est pas excusé mais a déclaré qu’il était désormais « plus prudent sur sa façon d’utiliser le terme de sioniste« .
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