Rembrandt, selfies avant la lettre (En images)
A l’occasion du 350e anniversaire de la mort de Rembrandt, une trilogie d’ouvrages est consacrée au maître néerlandais dont une bouleversante anthologie de ses autoportraits. M.V.
Le 4 octobre 1669, rendant son dernier souffle, Rembrandt Harmenszoon van Rijn quitte le siècle clair-obscur qui l’a vu naître. Quelque chose comme une fulgurance s’éteint : ce n’est pas seulement un grand artiste qui passe de vie à trépas, son décès signe aussi la disparition d’une touche unique au coeur de l’histoire picturale. Un génie ? Galvaudé, le terme retrouve son sens pour celui qui n’a pas son pareil en matière de puissance expressive.
Chez lui, la moindre ridule installe le regardeur au plus proche de l’intime. La grande affaire de Rembrandt fut indubitablement le portrait, voire l’autoportrait qui, chez lui, permet d’effleurer du bout de l’oeil la part de mystère que recèle chaque individu. Se servant des miroirs comme aujourd’hui nous traquons notre propre reflet sur l’écran d’un smartphone, le natif de Leyde a passé sa vie à se scruter. Pas de retouche ou de volonté de se présenter sous le jour le plus favorable, son pinceau se voulait intransigeant, attaché qu’il était à restituer ce kaléidoscope émotionnel imprévisible, soumis au temps, que l’on nomme » moi « .
Les portraits gravés de Rembrandt constituent une rupture formelle unique en ce qu’ils rompent la tradition du contours linéaire. Un incroyable coup de force esthétique qui pèsera de tout son poids sur la modernité.
L’Autoportrait aux deux cercles est une énigme picturale qui passionne les commentateurs. Cette fois, c’est l’arrière-fond qui fascine, dans lequel plusieurs spécialistes ont vu deux de ces mappemondes qui décoraient les intérieurs de l’époque. D’autres penchent pour une interprétation cabalistique.
Avec ce Rembrandt aux yeux hagards, on mesure le génie à l’oeuvre. La vie y est représentée dans toute sa mobilité. Le peintre réussit à figer le miracle fugace d’une émotion qui s’empare des traits.
Tempus fugit. » Le temps passe « , semble nous dire le regard résigné d’un Rembrandt qui livre par la bande le portrait d’un peintre désormais établi. En se tournant vers lui-même, l’artiste rappelle que » chaque homme porte en soi la forme entière de l’humaine condition « .
Rembrandt. Les autoportraits, par Volker Manuth et Marieke de Winkel, 176 p. Rembrandt. Tout l’oeuvre peint, par Volker Manuth, Marieke de Winkel et Rudie van Leeuwen, 744 p. Rembrandt. Tous les dessins et toutes les eaux-fortes, par Peter Schatborn et Erik Hinterding, 756 p. Les trois ouvrages aux éditions Taschen.
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