Quatre choses à savoir sur l’inédite crise politique italienne
L’Italie traverse une crise inédite pouvant déboucher sur une multitude de scénarios : le vote d’une motion de censure et une chute du gouvernement avec potentiellement des élections anticipées ou bien la formation d’un nouveau gouvernement, soit à coloration politique, soit de techniciens.
Quel a été le déclencheur de la crise ?
Le chef de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini a allumé la mèche et décidé le 8 août de briser son mariage de raison avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), contracté 14 mois plus tôt.
« Allons tout de suite au Parlement pour prendre acte du fait qu’il n’y a plus de majorité et restituons rapidement la parole aux électeurs », a-t-il décrété dans un communiqué.
Il a expliqué sa décision par des disputes continuelles avec le M5S et l’opposition de ce parti aux grands chantiers d’infrastructures comme la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin.
Que s’est-il passé pendant le week-end ?
Dans les jours ayant suivi sa brusque annonce, fort de sondages lui accordant 36/38% des intentions de vote, Matteo Salvini s’est lancé dans un pressing sur les autres partis pour obtenir la démission du gouvernement de Giuseppe Conte et des législatives anticipées dès l’automne.
Mais pendant le week-end, à Rome, les discussions ont battu leur plein entre la myriade de partis italiens et le camp du non aux élections a commencé à se mobiliser.
Une sorte de front antiSalvini et « ses idées souverainistes » s’est mis en place.
L’ancien Premier ministre Matteo Renzi a proposé au M5S son soutien à un gouvernement qui adopterait la réduction programmée du nombre des parlementaires (de 345 sièges sur 630) et surtout le budget 2020, à présenter d’ici à la fin septembre, ce qui serait impossible en cas de scrutin à l’automne.
Est-ce qu’une chute du gouvernement est possible ?
Oui mais.
Le Sénat doit décider mardi soir, si et quand, il mettra au vote une motion de censure contre le gouvernement, susceptible de le faire tomber.
Matteo Salvini a renoué avec ses anciens alliés de Forza Italia (centre droit) de Silvio Berlusconi et de Frères d’Italie (ultra-droite) de Giorgia Meloni pour accélérer le mouvement. Ils réclament un vote de la censure dès mercredi. Mais ils sont minoritaires au Sénat car la Ligue n’avait remporté que 17% des suffrages aux législatives du printemps 2018 et ne dispose que de 58 sièges sur environ 320. Même en s’unissant à FI et FdI, elle n’a pas la majorité absolue.
Matteo Salvini a menacé de retirer ses sept ministres du gouvernement pour accélérer sa chute, mais le Premier ministre Giuseppe Conte a déjà dit que cela ne le ferait pas démissionner et que la crise devait se dénouer au parlement.
Le front opposé aux élections est composé d’une armada hétéroclite, qui regroupe la plupart des parlementaires M5S ainsi que l’aile proche de Matteo Renzi du Parti démocrate (PD, centre gauche), avec l’appoint probable d’autres formations, soucieuses de ne pas perdre leurs sièges au parlement.
Ils ne veulent pas « faire le plaisir à Salvini » d’organiser un débat et un vote de censure contre le gouvernement et demandent simplement à M. Conte de faire « une communication le 20 août au Sénat ».
Reste que le chef du gouvernement ne pourra que constater la disparition de la coalition actuellement au pouvoir.
Est-ce que des élections anticipées à l’automne sont probables ?
Pas sûr.
Cette perspective semble s’éloigner et les spécialistes tablent plutôt sur la formation d’un nouveau gouvernement.
Pour le moment, toute une série d’hypothèses sont envisagées.
Un gouvernement Conte bis, essentiellement constitué de ministres du M5S, mais appuyé au parlement par l’aile pro-Renzi du PD et d’autres partis. Il pourrait être de courte durée : Matteo Renzi dit ne converger avec le M5S que pour réduire le nombre des parlementaires et chercher à éviter, grâce au budget, une hausse automatique de la TVA programmée pour début 2020.
Autre scénario : une personnalité respectée pourrait diriger un gouvernement également « politique », inscrit dans la durée – les spécialistes parlent de Raffaelle Cantone, un ancien juge anticorruption – sur la base d’un pacte de gouvernement entre le M5S et le PD, une éventualité évoquée par le patron du PD, Nicola Zingaretti.
A défaut, le président Sergio Mattarella qui reprendra la main dès la fin du gouvernement actuel, pourrait opter pour un gouvernement transitoire de ministres techniques uniquement occupés à voter le budget et à préparer de nouvelles élections.
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