Charles Michel
Charles Michel © Belga

Portrait accablant de Charles Michel: une critique justifiée?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le journal Politico signe un portrait accablant du président du Conseil européen Charles Michel. Il passerait trop de temps sur la route, et consacrerait trop peu de temps à l’essence de sa fonction: préparer et gérer les sommets européens. En outre, il serait déjà en train de chercher une nouvelle fonction, son mandat se terminant en 2024.

Les journalistes de Politico ont rassemblé les témoignages de dizaines de diplomates, d’anciens et d’actuels fonctionnaires du Conseil et des représentants de gouvernements nationaux au sein et en dehors de l’Union européenne. « Si Charles Michel garde ses défenseurs, il en ressort le portrait d’un homme politique dont l’ascension fulgurante l’a porté au sommet de la politique de son pays, mais qui se retrouve aujourd’hui isolé au sommet du Conseil européen, ses relations avec les gouvernements nationaux qu’il est censé servir étant au plus bas », écrit Politico.

Le journal revient sur les coulisses de l’élection de Charles Michel, devenu à 38 ans le plus jeune Premier ministre de l’histoire de Belgique au poste de président du Conseil européen. Il rappelle qu’en mai 2019, confronté aux résultats médiocres de son parti, le MR, aux élections nationales, le Belge ambitieux s’est tourné vers l’Europe.

Le profil idéal

« Lorsque Michel a été choisi comme président du Conseil, nombreux sont ceux qui ont remarqué qu’il avait le profil idéal pour ce poste (…) On dit que les dirigeants veulent un candidat issu de leurs rangs, quelqu’un qui a déjà siégé à la table en tant que chef d’État ou de gouvernement. Ils veulent quelqu’un qui ait le don de faciliter les compromis. Et enfin, ils ne veulent pas d’un politicien célèbre qui risquerait de leur voler la vedette. Michel – un ancien premier ministre chauve, à lunettes, discret et rompu à la politique belge, réputée pour ses dissensions – semblait bien correspondre à ces critères », explique le journal.

Cependant, assez rapidement, sa gestion « confuse » se retrouve au cœur des discussions à Bruxelles. Ainsi, Charles Michel ne serait pas l’artisan de l’accord autour du plan de relance Covid, qui a fait l’objet d’un sommet en juillet 2020. A en croire plusieurs diplomates de l’UE interrogés par Politico,  ce seraient plutôt le président français Emmanuel Macron et l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel qui ont eu ce mérite.

Selon plusieurs fonctionnaires belges interrogés par Politico, le bilan de Charles Michel en tant que Premier ministre – qui l’a aidé à décrocher le poste au Conseil – était au mieux mitigé. « Il n’était pas un véritable négociateur au sein de cette coalition, déclare ainsi un haut fonctionnaire ayant servi dans le gouvernement de Charles Michel. « Il avait peur de donner un dernier coup de collier ». « Pour moi, cela a toujours été lié à la façon dont il est arrivé là « , a poursuivi le fonctionnaire. « Il était comme un enfant de Dieu à qui tout avait été donné ».

Un mépris à son égard

Pour Olivier Mouton, journaliste et auteur du livre Charles Michel, le jeune Premier, la force politique de l’ancien Premier ministre belge n’a jamais été vraiment reconnue. « On a toujours considéré qu’il était le fils de son père, que ce n’est pas un politique brillant, c’est ainsi qu’on le caricature. Il y a toujours eu une espèce de mépris à son égard, alors qu’il essaie de faire au mieux. Je pense que ce mépris joue dans cette espèce de contradiction dont il essaie de sortir : il doit à la fois tout faire pour exister et, en même temps, gérer le consensus qui lui a permis d’obtenir le poste », observe-t-il.

Politico cite également l’exemple du sommet de février dernier, tenu en présence du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Après le départ de ce dernier, la Première ministre danoise Mette Frederiksen aurait pris la parole pour dénoncer « la manière dont était géré le débat » , une pique envers Charles Michel. D’autres dirigeants, dont le président français Emmanuel Macron, auraient également critiqué sa gestion du débat. « Tout le monde comprenait le chaos qui a entouré la visite de Zelensky. Personne n’a compris le chaos après son départ », déclare une personne présente à Politico.

Selon Olivier Mouton, il n’en a pas toujours été ainsi. « Quand il est arrivé au Conseil européen, Charles Michel prenait beaucoup de temps pour préparer les conseils. Il allait voir les gens. Il allait voir même les petits pays. Il prenait beaucoup de temps pour construire et préparer ses conseils. Visiblement, c’est beaucoup moins le cas maintenant ».  Sans doute la fin de son mandat approchant, Charles Michel ressent-il le besoin de consacrer davantage de temps à la préparation de la suite de sa carrière, souligne le journaliste. Un porte-parole de Charles Michel conteste toutefois ces critiques: « Les réunions du Conseil européen n’ont jamais été aussi intensivement préparées par son président, assure-t-il. Charles Michel a innové en termes de préparation : il organise, avant chaque sommet européen, des visioconférences préparatoires par petits groupes avec les 27 présidents ou premiers ministres. »

Les diplomates interrogés questionnent aussi « l’activité diplomatique frénétique » du président du Conseil, même si son rôle est bien « d’assurer la représentation externe de l’Union pour les questions relevant de sa politique étrangère et de sécurité commune ». Toujours selon Politico, il aurait demandé à faire grimper son budget de 2 à 2,5 millions d’euros pour financer ses frais de voyage. « Les déplacements à l’étranger du président du Conseil européen correspondent à la mission que lui confèrent les traités européens: représenter et défendre les intérêts européens à l’étranger. C’est ce que les 27 demandent à Charles Michel dans la période géopolitique troublée que le monde et l’UE traversent actuellement », conteste le porte-parole de Charles Michel, pour qui l’article de Politico est « truffé d’accusations qui ne sont soutenues par aucun élément factuel ni témoignage crédible ».

« Il fait les mêmes choses en Europe que lorsqu’il était Premier ministre belge », déclare Carl Devos, professeur de sciences politiques à l’université de Gand  à Politico. « Il n’a jamais été un Premier ministre très fort. Il a constamment lutté pour que ses partenaires de coalition soient sur la même longueur d’onde ».

Images désastreuses pour sa réputation

Les ambitions internationales de Charles Michel auraient également aggravé la rivalité naturelle entre le Conseil et la Commission européenne, siège de l’autre présidence la plus en vue de l’UE. « Ursula von der Leyen et Charles Michel se considèrent tous deux comme les présidents de l’Europe, même si, en réalité, aucun d’entre eux ne l’est exactement », déclare un ancien haut fonctionnaire du Conseil. Les images de Charles Michel s’empressant d’occuper le seul fauteuil et abandonnant Ursula von der Leyen sans siège à Ankara, avaient été désastreuses pour sa réputation, malgré ses nombreuses justifications.

Politico reproche également au président du Conseil européen de trop se focaliser sur sa future fonction. L’année prochaine, son mandat se terminera et il devra en effet relever le défi de trouver un poste qui ne soit pas un pas en arrière. Pour Olivier Mouton, il est peu probable qu’il revienne à une carrière nationale. Il rappelle que son gouvernement avec la N-VA a essuyé de nombreuses critiques de la part des francophones. Selon Politico, Charles Michel pourrait briguer un poste de Spitzenkandidat, chef du groupe libéral, ou il pourrait vouloir succéder à Josep Borrell au poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il pourrait également rejoindre la Banque d’investissement européenne, selon le journal. Le porte-parole de Charles Michel réfute « la prétendue recherche d’une prochaine fonction »: « Il n’y a pas une seule personne qui pourrait témoigner que Charles Michel aurait évoqué avec elle ce sujet, ou se serait enquis d’un ‘prochain job' ».

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