«Le PPE n’a pas renoncé aux objectifs du Green Deal, mais nous voulons le rendre faisable», assure Pascal Arimont. © belgaimage

Pascal Arimont (PPE): « Je me sentirais mal à l’aise en cas d’alliance avec l’extrême droite » (entretien)

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Jusqu’où ira le rapprochement entre la droite classique proeuropéenne et l’extrême droite nationaliste au Parlement européen ? L’avis de Pascal Arimont, eurodéputé belge germanophone du groupe PPE.

Le PPE, groupe des conservateurs et démocrates-chrétiens européens, n’hésite pas à former des majorités de circonstance avec la droite radicale. Le prélude à une alliance avec l’extrême droite en 2024? Pascal Arimont, eurodéputé belge germanophone du groupe PPE répond.

Les trois groupes parlementaires qui forment la «majorité von der Leyen» – le PPE, les sociaux-démocrates et les centristes de Renew – ne s’entendent plus et perdront sans doute tous des sièges aux élections européennes de juin 2024. Cette coalition va-t-elle éclater?

Elle n’a jamais réellement fonctionné pendant la législature. Les trois groupes se sont partagés, en 2019, les mandats européens clés, point final. Par la suite, dans chaque dossier ou presque, il y a affrontement entre la droite et la gauche. Les centristes de Renew flottent entre les deux camps. Après un rude combat, un compromis viable finit par être conclu, souvent peu satisfaisant aux yeux de chaque groupe.

En tant qu’élu du PPE, que pensez-vous des projets d’alliance de votre chef de file, Manfred Weber, avec le groupe ultraconservateur des CRE?

Les CRE sont clairement plus à droite que le PPE sur l’échiquier politique européen, mais nos deux groupes ont des positions communes dans plusieurs dossiers. Manfred Weber pense que nous pouvons collaborer plus étroitement avec Fratelli d’Italia, l’un des partis CRE, pour autant qu’il ne mette pas en péril l’Etat de droit en Italie et ne conteste pas la primauté du droit européen sur les règles nationales. L’idée de notre président est d’encourager le parti de la Première ministre Giorgia Meloni à se rapprocher du centre-droit. Toutefois, créer un cartel PPE-CRE est prématuré, car les CRE comptent en leur sein le PiS, au pouvoir à Varsovie, un parti peu respectueux des institutions démocratiques de son pays. En cas d’implosion du groupe des CRE en 2024, des élus melonistes et autres pourraient être accueillis au PPE.

Des coalitions droite-extrême droite gouvernent plusieurs pays d’Europe. Ce «modèle» est-il transposable à l’échelle européenne?

Personnellement, je me sentirais mal si mon groupe, le PPE, se mettait à travailler avec des formations ultranationalistes ou d’extrême droite, comme le PiS ou le parti espagnol Vox. Je suis de ceux qui se sont battus pour que le Fidesz du Premier ministre Viktor Orban, dont le régime s’en prend à l’Etat de droit en Hongrie et est antieuropéen, soit suspendu du PPE. Je n’accepterais jamais que le Fidesz soit réintégré. De même, je rejette, à l’instar de la droite chrétienne et conservatrice allemande CDU-CSU, toute idée de rapprochement avec l’AfD, le parti allemand d’extrême droite, en hausse dans les sondages. Son modèle de société n’est pas le nôtre. Ce parti veut casser l’Union, alors que je veux la rendre plus forte et l’améliorer.

Pour autant, votre groupe, le PPE, s’attaque, comme les groupes d’extrême droite, au Pacte vert, l’une des politiques les plus ambitieuses de l’Union.

Contrairement à ce qu’affirment nos adversaires politiques, le PPE n’a pas renoncé aux objectifs du Green Deal. Mais nous voulons rendre le Pacte faisable. La gauche a une vision idéologique de la lutte pour le climat. C’est celle adoptée par le cabinet du vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en charge du Pacte vert. Cela crée de la colère en Europe, en particulier dans le monde agricole, qui n’a pas été consulté lors de la préparation de la loi sur la restauration de la nature, texte dont nous réclamions la réécriture. Fils d’agriculteurs, je peux vous dire que la politique de la Commission suscite une vive irritation dans le milieu. Si l’Europe perd ses dernières exploitations agricoles, elle devra importer massivement des aliments d’autres continents.

En février, le Parlement européen a approuvé, malgré l’opposition du PPE, le projet de réglementation mettant fin à la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035. Pourquoi votre groupe a-t-il combattu ce texte emblématique pour les objectifs climatiques européens?

Nous avons perdu cette bataille démocratique. C’est dommage, car la révolution de la voiture électrique est mal préparée et sera très compliquée à mettre en œuvre. Il y a quelques jours, la Cour des comptes européenne a confirmé notre point de vue: son rapport propose de repousser l’interdiction de la vente des voitures thermiques en raison du retard industriel sur les batteries et de l’accès aux matières premières. Le basculement accéléré vers la voiture électrique rendra l’Europe très dépendante de la Chine.

Selon les sondages, le PPE, les S&D, Renew et les Verts perdront tous des sièges en juin 2024. Une coalition de ces quatre groupes proeuropéens est-elle encore imaginable?

Une Europe plus forte est la seule solution d’avenir face à la menace des grands blocs qui entourent le Vieux Continent. Ceux qui sont de cet avis doivent s’entendre, au-delà de leurs divergences politiques. Il est fondamental que les groupes parlementaires proeuropéens se rejoignent sur de grands principes. C’est leur responsabilité à l’égard des générations futures.

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