Etienne Dujardin
Notre-Dame de Paris : un événement qui nous oblige
La journée du 15 avril 2019 restera marquée dans les mémoires. Des dizaines de millions de personnes à travers le monde entier ont regardé, apeurées, attristées, et impuissantes, la cathédrale de Paris brûler et se consumer. L’immense émotion que cet événement a suscitée rappelle que ce monument n’est pas qu’une construction parmi d’autres.
Cette cathédrale est l’un des joyaux de notre histoire, de notre culture, cet édifice gothique à la beauté inestimable fait partie de nos racines et finalement de nous-mêmes. Cette cathédrale a vu défiler les Rois de France, a été témoin du sacre de Napoléon, a inspiré les plus grands auteurs, dont Victor Hugo et tant d’autres, a rassemblé les foules au cours de l’histoire lors d’événements importants, a résisté aux pires idéologies, parmi lesquelles le nazisme, et a même échappé à un projet de destruction d’Hitler.
L’énorme élan de solidarité, la concorde totale dans les milieux politiques tous courants confondus et le rassemblement national et mondial que nous observons depuis hier ont de quoi surprendre positivement. Des leaders du monde entier, de toutes les confessions religieuses, ont apporté leur soutien et envoyé des mots de sympathie à la France et à son peuple. Ces mots n’étaient pas vains ou fades, mais exprimaient une réelle émotion venant du coeur et traversant le monde entier. Cette concorde générale ne peut que faire croire en l’homme et le réconcilier avec lui-même. Cette concorde prouve que l’homme a besoin pour s’accomplir d’immatériel, de transcendance, de dépassement de soi-même dans un projet collectif.
Un énorme élan de générosité a commencé, des chênes ont été offerts, des artisans se sont mobilisés en urgence, des experts sont venus fouiller les décombres à la recherche du patrimoine perdu. Les milliardaires se sont aussi mobilisés, toute la France s’est mobilisée, chacun selon ses moyens, pour défendre le génie français, voilà la grandeur d’un peuple. Critiquer cet élan face à d’autres événements tragiques moins mobilisateurs est un faux débat. D’une part, l’un n’empêche pas l’autre et chacun peut comprendre qu’une civilisation qui n’est pas capable de protéger son histoire, sa culture, ses racines n’a tout simplement plus d’avenir. De plus, si on veut rester dans le calcul très terre-à-terre de certains, il est évident que le patrimoine français rapporte beaucoup plus en emplois et en recettes fiscales liés au tourisme qu’il ne coûte.
Notre Dame: seule une certaine gauche qui s’autoproclame progressiste n’a rien compris à l’événement
Seule une certaine gauche qui s’autoproclame progressiste, du type de l’Unef, dont certains membres se sont encore illustrés par leur mépris et leur inculture abyssales, n’a rien compris à l’événement. Cette fameuse gauche qui souhaite tout déconstruire de notre identité profonde, de nos comportements en passant par nos racines, n’a aucune idée de la beauté et de l’importance de défendre une civilisation et ses repères. Cette gauche est une insulte à tous les pompiers, héros de cette soirée, qui ont risqué leurs vies pour sauver non pas des poutres ou des pierres, mais une mémoire et une identité collective qui appartient à la France et au Monde et qui dépasse l’homme d’aujourd’hui qui n’a comme seul devoir que de transmettre cet héritage à travers les siècles. Mélenchon, lui, homme cultivé et d’esprit, a compris cette importance et a écrit un très beau texte sur le sujet. La gauche à l’ancienne est parfois bien plus percutante que la nouvelle.
Une espérance peut se dégager dans cet événement : celle qui a vu une mobilisation incroyable qui montre que notre civilisation n’est pas morte, affadie par le matérialisme et l’individualisme, mais qu’elle est encore capable de se réveiller dans les moments difficiles. Espérons que la générosité continue, car elle pourrait, en cas de surplus de budget, venir en aide aux dizaines d’églises et autres monuments en péril à Paris et ailleurs dont les cris de détresse n’ont pas été entendus jusqu’à présent. L’incendie de Notre-Dame de Paris pourrait être cet électrochoc dont nous avions besoin. Défendre son patrimoine et ses racines n’est rien d’autre que défendre une partie de soi-même. La culture, le patrimoine, l’art sont les meilleurs vecteurs de rassemblement d’une nation, d’un continent, d’un peuple. Dostoïevski écrivait : « La beauté sauvera le monde, le beau doit nous élever. La fonction de tout art, et donc de tout artiste, consiste à briser l’espace étroit et angoissant dans lequel l’homme, tant qu’il vit ici-bas, est plongé pour ouvrir une fenêtre vers l’infini ! » On voit encore cette semaine qu’il avait raison.
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