Michel Fourniret, l’ogre des Ardennes, ce tueur énigmatique
Des silences, des aveux et peut-être encore des secrets: le violeur et tueur en série français Michel Fourniret a souvent dérouté la justice en quarante ans de crimes.
Michel Fourniret, l’ogre des Ardennes et tueur énigmatique
Des silences, des aveux et peut-être encore des secrets: le violeur et tueur en série français Michel Fourniret a souvent dérouté la justice en quarante ans de crimes.
Condamné à la perpétuité incompressible en mai 2008 pour sept meurtres, Michel Fourniret, 76 ans, comparaît à partir de mardi aux assises, au côté de son ex-épouse Monique Olivier pour l’assassinat en 1988 de Farida Hammiche, l’épouse d’un ex-codétenu, qui lui avait permis de faire main basse sur le magot du « gang des postiches ».
Aux origines du parcours criminel, le trésor du « gang des postiches »
L’affaire est digne d’une fiction. Milieu des années 1980. Michel Fourniret est incarcéré à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, en région parisienne, pour plusieurs agressions sexuelles. Il partage brièvement sa cellule avec un ex-braqueur, Jean-Pierre Hellegouarch, avec qui il sympathise. Déplacé dans une autre prison, Hellegouarch a vent, par le biais d’un autre compagnon de détention, Gian Luigi Esposito, de l’existence d’un trésor enterré dans un cimetière du Val-d’Oise, au nord de Paris. Ce braqueur italien proche de l’extrême-droite s’est évadé de la prison de Rome en hélicoptère en 1986 en compagnie d’André Bellaïche, membre du « gang des postiches », avant d’être rattrapé en France. Lors de leur cavale, Bellaïche lui aurait révélé l’emplacement d’un trésor accumulé par cette équipe responsable d’une vingtaine de braquages de banques entre 1981 et 1986. Napoléons, pesos mexicains et lingots d’or dorment enterrés près d’une tombe du cimetière de Fontenay-en-Parisis.
Au total, les enquêteurs estiment le butin à une vingtaine de kilos d’or. En mars 1988, Michel Fourniret est sorti de prison depuis quelques mois quand Jean-Pierre Hellegouarch lui demande, par l’intermédiaire de sa femme Farida Hamiche, de l’aider à récupérer le trésor. Ensemble, ils déterrent une caisse à outils rouge, contenant plusieurs boîtes en plastique remplies d’or. D’après les déclarations de Jean-Pierre Hellegouarch, Fourniret devait toucher 500.000 francs en échange de son aide. « L’ogre des Ardennes » affirme, lui, avoir simplement négocié une ferme et 30.000 francs, ce qu’il n’aurait jamais obtenu.
Monique Olivier déclarera plus tard devant les enquêteurs que quelques jours après avoir déterré le trésor, Fourniret lui aurait dit « que ce serait mieux d’avoir un peu plus et même tout ». Ils tendent donc un piège à Farida Hammiche pour l’assassiner et lui dérober la totalité du butin. « C’est le meurtre fondateur », dit à l’AFP l’avocat de Jean-Pierre Hellegouarch, Didier Seban, « celui qui lui permet de réaliser son oeuvre criminelle ».
Avec l’or, échangé chez un numismate belge, le couple Fourniret-Olivier va s’acheter un studio à Sedan, une maison à Sart-Custine en Belgique, et surtout le manoir de Sautou dans les Ardennes où les corps de deux des sept jeunes filles assassinées par le tueur en série seront retrouvés. Il fera également l’acquisition d’un fourgon Citroën C15, le véhicule utilisé dans ses séances de « braconnage » selon ses termes, à la recherche de jeunes filles vierges.
La particularité de ce premier crime, c’est qu’il repose cette fois sur un mobile crapuleux, à la différence de sept autres meurtres de jeunes filles, précédés de viol ou tentative de viol, commis entre 1987 et 2001 en France et en Belgique.
Son parcours criminel n’a pas encore totalement été reconstitué
En février, Fourniret a avoué avoir tué deux autres jeunes femmes: Marie-Angèle Domece, disparue en 1988 à 19 ans, et la Britannique Joanna Parrish, 20 ans, retrouvée violée et étranglée deux ans plus tard. Des meurtres qu’il niait jusqu’alors et pour lesquels il avait été mis en examen en 2008.
« Si ces personnes n’avaient pas croisé mon chemin, elles seraient toujours vivantes », a-t-il déclaré lors d’un de ses interrogatoires dont l’AFP a eu connaissance. Son ex-femme, Monique Olivier, qui l’avait un temps accusé avant de se rétracter, a récemment confirmé les aveux sybillins de son ancien époux. Reconnue complice de quatre meurtres et un viol en réunion, elle a été condamnée en 2008 à la perpétuité avec 28 ans de sûreté.
Trente ans après, ces aveux ont relancé l’espoir d’élucider ces « cold-cases », mais des secrets demeurent enfouis dans la mémoire du tueur, en prison depuis 15 ans. Le corps de Marie-Angèle n’a jamais été retrouvé et des fouilles ainsi que les dernières auditions du détenu n’ont semble-t-il pas permis d’avancer. « Nécessairement un peu impacté par son âge », Michel Fourniret « prend tout ce qui est judiciaire avec un grand détachement », observe l’un de ses avocats Grégory Vavasseur.
Décrit par l’expert psychiatre Daniel Zagury comme « le tueur en série français le plus abouti », le meurtrier a souvent joué au chat et à la souris avec les enquêteurs.
« Absolument pervers »
L’avocat Didier Seban, qui défend plusieurs proches de ses victimes, parle de véritable « bataille » avec l’accusé « pour en savoir plus ». « Un crime fait écho à un autre. Mais il les avoue et les confond entre eux », déplore-t-il.
« Ce qui étonne, c’est l’ego absolu de ce personnage, la fierté qu’il tire de son oeuvre criminelle », note le conseil. « C’est le tueur qui vous emmène dans ses crimes. Il est absolument pervers, absolument insupportable », ajoute-t-il, estimant qu’au procès qui débute mardi, « enfermé dans son personnage », Fourniret « jouera encore ».
Né le 4 avril 1942 à Sedan, dans la région des Ardennes, Fourniret, marié trois fois et père de cinq enfants, aurait été traumatisé de découvrir que sa première femme n’était pas vierge. De son propre aveu, l’ajusteur et dessinateur en mécanique, père de famille discret le jour, se serait alors mué en « braconnier » à ses heures sombres. Il est condamné à trois reprises en 1967, 1984 et 1987 pour une douzaine d’agressions sexuelles.
De sa troisième épouse, Monique Olivier, rencontrée en détention par petite annonce, il fait sa complice, scellant avec elle un « pacte » criminel: en échange du meurtre de son premier mari, elle l’aidera à trouver une femme vierge. A sa sortie de prison en 1987, il s’installe avec elle.
Deux mois plus tard, il viole et tue Isabelle Laville, 17 ans. Suivront Fabienne, Jeanne-Marie, Elisabeth…
Leur équipée s’achève en 2003 quand Fourniret est arrêté en Belgique pour un enlèvement raté. En 2004 et 2005, Monique Olivier craque et révèle aux enquêteurs onze meurtres dont les sept jugés en 2008, et celui de Farida Hammiche. Il y a cependant, pour l’avocat de Monique Olivier, Richard Delgenes, une « différence » au sein du couple criminel: Monique Olivier fait « encore partie des gens qui restent humains, qui peuvent ressentir des regrets, de la honte ». « Michel Fourniret, lui, il est ailleurs, ces concepts lui sont étrangers. Mais à son contact, vous ne pouviez que devenir comme lui ».
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