Macron: « Notre priorité n’est pas de nous adapter à l’agenda des autres dans toutes les régions du monde »
Se refusant à « entrer dans une logique de bloc à bloc », Emmanuel Macron exhorte l’Europe à ne pas « être suiviste » des Etats-Unis ou de la Chine sur la question de Taïwan, dans une interview au quotidien économique français Les Echos publiée dimanche.
« La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes » sur la question de Taïwan « et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise« , déclare le chef de l’Etat français, dans cet entretien accordé vendredi, lors de son déplacement en Chine.
Interrogé avant même le déclenchement samedi d’importantes manoeuvres militaires chinoises autour de Taïwan, M. Macron appelle l’Europe à se « réveiller »: « notre priorité n’est pas de nous adapter à l’agenda des autres dans toutes les régions du monde ». « Pourquoi devrions-nous aller au rythme choisi par les autres ? A un moment donné, nous devons nous poser la question de notre intérêt« , sachant que « nous ne voulons pas entrer dans une logique de bloc à bloc », insiste-t-il.
Le chef de l’Etat avait abordé vendredi avec son homologue chinois Xi Jinping la question de l’île. Pékin, qui considère Taïwan comme une province, s’oppose à tout contact officiel entre Taipei et les gouvernements étrangers. Cela inclut la rencontre de mercredi en Californie entre la dirigeante taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la Chambre des représentants américaine, Kevin McCarthy, qui a suscité l’ire des dirigeants chinois et le déclenchement de trois jours de manoeuvres militaires.
Vendredi, « la conversation a été dense et franche » entre M. Macron et M. Xi, a fait savoir l’Elysée, rapportant la vigilance du chef de l’Etat français autour de « l’accumulation des tensions dans la région » qui pourrait conduire « au suraccident ».
Plaidant pour que « l’autonomie stratégique » soit « le combat de l’Europe », M. Macron met en garde dans Les Echos contre « une accélération de l’embrasement du duopole » Chine – Etats-Unis, au risque de ne plus avoir « le temps ni les moyens de financer » de cette « autonomie stratégique ». « Nous deviendrons des vassaux alors que nous pouvons être le troisième pôle si nous avons quelques années pour le bâtir« , fait-il valoir. « Le paradoxe serait qu’au moment où nous mettons en place les éléments d’une véritable autonomie stratégique européenne, nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique », poursuit M. Macron.
Le chef de l’Etat français s’est aussi félicité d’avoir au sein de l’Union européenne « gagné la bataille idéologique »: « il y a cinq ans, on disait que la souveraineté européenne n’existait pas ». Il plaide pour « muscler notre industrie de défense » et « accélérer la bataille pour le nucléaire et le renouvelable » sur le continent.