L’irruption de l’extrême droite rebat les cartes en Espagne
Le parti d’extrême droite Vox, qui va permettre mercredi à la droite d’arracher le pouvoir aux socialistes en Andalousie, a déjà bouleversé le paysage politique en Espagne avec une poignée de députés dans un parlement régional.
Un élu du Parti populaire (PP, conservateur) doit être investi mercredi président de l’Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne et bastion socialiste depuis 36 ans, en coalition avec les libéraux de Ciudadanos et avec les voix de Vox.
Dans un pays où l’extrême droite était quasi inexistante depuis la mort du dictateur Franco en 1975, Vox a créé un séisme politique en décembre, en obtenant 11% des suffrages et 12 élus sur 109 dans cette région méridionale.
Tandis qu’il négociait son appui au PP, ses propositions ont fait les gros titres de la presse: fin de l’autonomie des régions, suppression de la loi sur les violences sexistes, expulsions massives d’immigrés clandestins…
L’accord finalement conclu ne reprend pas les plus controversées, mais intègre le soutien aux traditions comme la tauromachie et la promotion d’une « immigration respectueuse de notre culture occidentale ». « Vox est le principal bénéficiaire du pacte », affirme à l’AFP Xavier Casals, historien spécialiste de l’extrême droite. « Ils ont réussi à être connus de tout le monde » et « la mise en scène a été celle d’un accord d’égal à égal ».
Les stratèges politiques spéculent déjà sur une réédition de ce pacte des droites pour prendre le contrôle de nouvelles régions et mairies après les élections régionales et municipales du 26 mai, voire au niveau national après les prochaines législatives. « Bien sûr qu’il est rééditable, tant que les Espagnols nous donneront ce mandat », a assuré lundi le président du PP, Pablo Casado. Il rêve de « mener une alliance de partis qui croient en la Constitution, le libre-échange, la propriété privée, la sécurité, la nation ».
Dans un sondage publié début janvier, Vox est crédité de 12,9% d’intentions de vote à d’éventuelles législatives. Avec plus de 40 sièges, il aurait la clé d’une majorité de droite.
Quel que soit leur résultat, « ils ne peuvent que gagner. Si Vox passe de zéro à quelque chose, ils auront déjà gagné », estime M. Casals.
Et l’actualité devrait leur profiter, avec le très médiatique procès des indépendantistes catalans qui doit s’ouvrir dans les prochaines semaines. Le numéro deux de Vox y est avocat de l’accusation, souligne le directeur de l’institut de sondages Metroscopia, José Pablo Ferrandiz.
Les autres partis menacés
Leur montée a de quoi inquiéter les états-majors politiques des deux grandes formations, Parti populaire et Parti socialiste (PSOE), qui se sont longtemps partagé l’essentiel des votes. Depuis 2015, ils ont dû composer avec Podemos, la gauche radicale, et Ciudadanos qui se veut au centre.
Avec Vox, « nous sommes désormais dans un système à cinq partis » qui dépassent les 10% d’intentions de vote, constate M. Ferrandiz.
Le PP est particulièrement menacé, après un annus horribilis qui l’a vu être condamné dans un méga-procès pour corruption, éjecté du pouvoir par le socialiste Pedro Sanchez et grignoté dans les sondages par Ciudadanos. « Leur défi, c’est de faire les deux choses en même temps : élaborer une stratégie qui leur permette de ne perdre des électeurs ni à leur droite, ni au centre », selon Cristina Ares, politologue à l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Pablo Casado a opté pour un virage à droite, en durcissant son discours. Une stratégie risquée, qui « favorise le parti le plus à droite » selon Mme Ares.
Du côté de Ciudadanos, son dirigeant Albert Rivera, est mal à l’aise à l’idée de s’associer à l’extrême droite et laisse la porte ouverte à des alliances avec les socialistes dans d’autres régions. « L’avenir de l’Espagne ne passe pas par des accords qui confrontent les deux Espagne » de gauche et de droite, déclarait-il lundi à la presse internationale.
Reste que Pedro Sanchez peut être le principal gagnant face au spectre d’une coalition intégrant l’extrême droite.
Son gouvernement, très minoritaire, pourrait obtenir le soutien des indépendantistes catalans pour voter le budget 2019, et éviter ainsi de devoir convoquer des élections avant la fin de la législature en juin 2020. « Il est clair que pour les indépendantistes catalans, ce gouvernement est meilleur qu’un gouvernement de droite », dit Mme Ares.
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