L’extrême droite allemande tentée par la radicalisation
Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) doit désigner samedi une nouvelle direction au moment où l’aile radicale, forte de ses récents succès électoraux en ex-RDA, étend son emprise sur la jeune formation.
A quelques jours d’un congrès à Brunswick (nord-ouest), seul le député Gottfried Curio, un physicien de 59 ans connu pour ses diatribes anti-migrants au Bundestag, a officiellement annoncé sa candidature pour la présidence.
Mais il fait figure de « loup solitaire » dans ce parti qui, outre son credo anti-réfugiés et anti-islam, se caractérise par le rejet virulent d’Angela Merkel et des élites, et un climatoscepticisme assumé.
Les autres prétendants ne se dévoileront qu’à la dernière minute et si des noms circulent en coulisses, l’enjeu sera de mesurer si la frange la plus ultra va ou non gagner en influence.
‘Clique anarchique’
Car les congrès de l’AfD, que son codirigeant Alexander Gauland présente volontiers comme « une clique anarchique », ont déjà réservé quelques surprises en raison des rivalités qui déchirent le parti depuis sa création il y a six ans seulement.
Le coprésident sortant et député européen Jörg Meuthen devrait de nouveau se lancer dans la bataille. Cet économiste de 58 ans, issu du prospère Bade-Wurtemberg, incarne un courant « modéré » représenté surtout dans l’ouest mais de plus en plus marginalisé au profit des radicaux.
Emmenée par le chef de file en Thuringe Björn Höcke, la frange radicale, baptisée « l’Aile » (« Der Flügel ») est en plein essor depuis qu’elle a enchaîné trois succès électoraux consécutifs en septembre et octobre dans l’est du pays.
Dans le Brandebourg, en Saxe et en Thuringe, l’AfD a recueilli plus de 20% des suffrages pour s’imposer comme la deuxième force politique. Dans le Brandebourg et en Thuringe, elle a même dépassé les conservateurs de la chancelière.
« L’Aile » cherche à imposer une radicalisation identitaire au parti, en remettant notamment en cause la culture de la repentance pour les crimes nazis, socle de l’identité allemande d’après-guerre.
Elle fait florès dans l’ex-RDA communiste où le passé et les liens sulfureux de certains candidats avec la mouvance néonazie n’ont pas effrayé les électeurs.
Sous surveillance
Cette aile radicale est néanmoins dans le collimateur des renseignements intérieurs qui l’ont placée sous surveillance et sent le soufre aux yeux de nombre de militants à l’ouest.
« Les succès électoraux de l’aile pré-fasciste dans les Etats régionaux de l’Est vont encore accélérer la radicalisation », prédit néanmoins le chercheur Matthias Quent, spécialiste de l’extrême droite, dans le quotidien suisse Tagesanzeiger. « De plus en plus de membres modérés de l’AfD quittent le parti ».
Finalement la candidature éventuelle du député Tino Chrupalla, un peintre en bâtiment de 44 ans, pourrait contenter tout le monde. Cet élu originaire de Görlitz en Saxe, qui n’est jamais jusqu’ici apparu sur le devant de la scène, cherche en effet à rassembler les différents courants. Il assure ainsi que « l’Aile » fait « partie intégrante » de l’AfD tout en se tenant à distance d’elle.
A moins que le patriarche du parti, Alexander Gauland, 78 ans, ne décide à la dernière minute de poser sa candidature. L’intéressé, qui codirige aussi le groupe parlementaire, assure qu’il se décidera en fonction des autres candidats.
Il y a deux ans, cette figure tutélaire du parti avait ainsi imposé sa candidature en plein congrès pour faire barrage à une rivale.
Troisième force politique au Bundestag, derrière la CDU et le SPD, avec quelque 90 députés, l’AfD stagne néanmoins au niveau national à entre 13 et 15% des intentions de vote.
D’abord un parti anti-euro, l’AfD a ensuite évolué vers une formation anti-migrants et anti-Merkel en rejetant avec véhémence la politique d’ouverture des frontières prônée par la chancelière en 2015 et 2016 quand le pays a accueilli un million de demandeurs d’asile.
Plusieurs manifestations d’opposants à l’AfD doivent se tenir samedi à Brunswick alors que le groupe automobile Volkswagen, qui donne son nom par contrat publicitaire à la salle où se dérouleront les débats, a demandé à ce que son logo soit retiré durant le congrès.
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