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L’Autriche a enfin son gouvernement, et l’extrême droite n’y sera pas
L’Autriche reste finalement dans le giron pro-européen, après quasiment cinq mois de discussions soufflant le chaud et le froid et une occasion historique manquée par l’extrême droite de décrocher pour la première fois la chancellerie.
Le parti conservateur autrichien ÖVP a annoncé, jeudi, avoir trouvé un accord avec les sociaux-démocrates et les libéraux pour gouverner, après l’échec des négociations menées par le parti nationaliste FPÖ, arrivé en tête des élections de septembre. « Nous venons de vivre les négociations gouvernementales les plus difficiles de l’histoire de notre pays », a déclaré le chef de l’ÖVP Christian Stocker. « Il est d’autant plus réjouissant » que nous puissions « présenter aujourd’hui un programme de travail ».
Cette personnalité âgée de 64 ans va occuper la chancellerie alors qu’il était inconnu des Autrichiens jusqu’en 2022, quand il a été propulsé secrétaire général de sa formation politique. Mais le plus important pour le social-démocrate Andreas Babler, c’est que « cette cohésion des forces constructives empêche le FPÖ d’accéder aux institutions les plus importantes de notre pays » et que « ce gouvernement garantit l’État de droit et la démocratie en Autriche« .
La coalition tripartite de Christian Stocker, la première depuis 1949, va permettre à l’Autriche de continuer à soutenir l’Ukraine et de rester « prévisible sans provoquer de vagues majeures », selon le politologue Thomas Hofer. « Mais ces partis sont confrontés à d’énormes problèmes, notamment en ce qui concerne leur cote de popularité« , a-t-il ajouté en référence aux sondages plaçant toujours l’extrême droite largement en tête.
Accord sur l’immigration
Le leader du FPÖ, Herbert Kickl, qui a appelé à plusieurs reprises à de nouvelles élections rapides, « mise sur une nouvelle érosion de ses adversaires » à l’épreuve du pouvoir, a déclaré M. Hofer à l’AFP. Les trois formations ont insisté sur les points de leur programme concernant l’immigration et l’intégration, M. Stocker promettant une « interdiction du voile conforme à la Constitution afin de protéger les mineures en détresse ». « Le regroupement familial sera temporairement suspendu avec effet immédiat », a-t-il aussi dit. Et reprenant une promesse du FPÖ, il se réserve le droit d’imposer « un arrêt de l’asile dans le cadre juridique de la clause d’urgence » européenne si les demandes augmentent. Une attaque au couteau, menée mi-février par un demandeur d’asile syrien, a coûté la vie à un adolescent à Villach, dans le sud du pays, et fait débat durant les négociations.
Le nouveau gouvernement de ce pays neutre devrait être investi la semaine prochaine, après la validation de sa feuille de route par les différentes formations, alors que les craintes grandissent sur les conséquences du blocage actuel pour l’économie. Ce pays exportateur prospère de 9,2 millions d’habitants, en mauvaise passe dans un environnement géopolitique devenu instable, n’a toujours pas voté de budget pour 2025.
Longues négociations
L’annonce de la formation du gouvernement vient clore un feuilleton inédit dans le pays alpin d’ordinaire stable. L’Autriche, où l’ÖVP est au pouvoir depuis 1987, n’avait jamais connu des négociations aussi longues depuis l’après-guerre.
Lors des législatives fin septembre, le FPÖ était arrivé pour la première fois en tête avec près de 29% des suffrages. Mais les conservateurs de l’ÖVP ont d’abord tenté de former une coalition contre lui avec la gauche et les libéraux jusqu’à début janvier. Sans réussir à trouver un compromis. Ils avaient alors tendu la main à leur ennemi, or les tensions ont rapidement affleuré et les négociations ont aussi échoué, notamment parce que l’extrême droite voulait donner un virage eurosceptique au pays.