Gérald Papy
La victoire du front républicain et du Front populaire, mais comment gouverner?
L’alliance de gauche n’a qu’une majorité relative. Elle rejette un partenariat avec la macronie. L’incertitude sur la gouvernabilité de la France demeure.
La mobilisation exceptionnelle des électeurs lors du deuxième tour (67,5% de participation), le nombre élevé des désistements à l’issue du premier tour, la revitalisation du front républicain contre l’extrême droite ont bouleversé les prévisions des résultats des élections législatives en France. Ses succès aux élections européennes le 9 juin, puis au premier round du scrutin législatif le 30 juin, faisaient du Rassemblement national le premier parti favori pour forger une majorité, relative voire même absolue, à l’Assemblée nationale dissoute par le président Emmanuel Macron. Dans un retournement quasi inédit que les instituts de sondage n’avaient pas anticipé, un événement «rarissime» selon le directeur général de l’institut de sondages Ipsos, c’est le Nouveau Front populaire, arrivé premier de ces fameuses élections (il obtiendrait entre 170 et 215 sièges, loin de la majorité aboslue de 289 élus) , qui aura la main pour former l’exécutif qui succédera à celui du courageux Gabriel Attal, sacrifié sur l’autel de la suicidaire volonté de «clarification» d’Emmanuel Macron.
Avoir écarté le péril de l’accession de l’extrême droite xénophobe à l’Hôtel Matignon ne rend pas plus aisée la formation d’un gouvernement. Le président Macron devrait logiquement la confier à une personnalité du Nouveau Front populaire. Dès dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon pour La France insoumise, et Olivier Faure, pour le Parti socialiste, ont annoncé vouloir appliquer l’intégralité de leur programme. L’un et l’autre semblaient faire fi de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. L’insoumis comme le socialiste ont même rejeté toute idée de «combinaisons» avec l’ex-majorité présidentielle. Comment entendent-ils dès lors gouverner?
Front républicain et Front populaire: des fissures dans l’alliance
Ce n’est pas la seule incertitude qui plane sur la constitution d’un gouvernement viable de gauche. Le vote des 30 juin et 7 juillet a redistribué les cartes entre La France Insoumise et ses partenaires du Nouveau Front populaire. Le parti de Jean-Luc Mélechon n’est plus aussi dominant qu’il pouvait l’être dans la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), l’alliance qui a précédé le NFP, à l’issue des législatives de 2022. Le Parti socialiste a sensiblement rééquilibré la donne avec LFI. Il récolterait entre 63 et 69 élus, pour entre 68 et 74 à la gauche radicale. Somme toute, il pourrait tout aussi bien revendiquer le poste de Premier ministre que La France insoumise, dont les prises de positions sur la guerre à Gaza continuent de provoquer le rejet chez nombre de Français, y compris à gauche.
Une période d’incertitudes s’ouvre donc au plan politique en France. Le Rassemblement national est le parti qui a le plus progressé dans les suffrages lors des ces législatives. Mais il subit une forme d’échec au vu des «espoirs» qu’avaient suscités ses résultats aux élections européennes. Jordan Bardella se voyait déjà à Matignon. Il doit déchanter. C’est un camouflet qui pourrait peser sur les ambitions de Marine Le Pen lors des élections présidentielles de 2027.
Mais le seul véritable échec que consacrent ces élections et la dissolution, c’est celui du parti Ensemble et de ses alliés, qui perdent leur majorité relative mais s’ils limitent les dégâts. Paradoxalement, ils restent cependant au centre du jeu politique. Car si le Nouveau Front populaire ne réussit pas à forger une majorité absolue, l’alternative pourrait résulter d’une coalition «centrale» entre Les Républicains, qui ont relativement bien résisté à leur division entre une aile Ciotti, ralliée au RN, et l’aile Canal historique, les macronistes et les composantes modérées du Nouveau Front populaire. L’ancien Premier ministre Edouard Philippe s’est dit prêt à conduire ce projet dimanche soir. Mais cette perspective, même la gauche de gouvernement ne l’envisage pas après sa victoire du 7 juillet. Chaos, vous avez dit chaos?
«Jordan Bardella se voyait déjà à Matignon. Il doit déchanter. »
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