Réforme des retraites : jour de vérité pour le gouvernement français, Macron joue l’apaisement
Le gouvernement français doit faire face lundi à deux motions de censure à l’Assemblée nationale, après son passage en force sur l’impopulaire réforme des retraites, le président ayant finalement appelé à l’apaisement alors que la tension sociale est vive dans le pays.
L’exécutif clame pour l’instant sa confiance face à une opposition trop divisée, pense-t-il, pour le renverser. Pour qu’une motion de censure puisse être adoptée, « il faudrait (…) qu’elle rassemble une coalition des contre, des anti, pour obtenir une majorité très hétéroclite sans ligne politique commune », a confié le ministre du Travail, Olivier Dussopt, au Journal du dimanche. « Je pense qu’il n’y aura pas de majorité pour faire tomber le gouvernement », a acquiescé le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, interrogé par le quotidien Le Parisien. « Mais ce sera un moment de vérité. »
Deux motions de censure seront examinées lundi à l’Assemblée nationale, consécutives au recours jeudi par le gouvernement à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote si aucune motion de censure n’aboutit.
Emmanuel Macron, véritable initiateur du « 49.3 », qui était resté silencieux sur le sujet depuis jeudi, a, dans un message aux présidents du Sénat et de l’Assemblée transmis à l’AFP exprimé « son souhait que le texte sur les retraites puisse aller au bout de son cheminement démocratique dans le respect de tous« .
Après deux mois de concertations, et une intense mobilisation syndicale et populaire contre le projet, incarné par le report de l’âge de départ à 64 ans, contre 62 aujourd’hui, le passage en force de l’exécutif a été vilipendé par l’opposition. Mais celle-ci devra se montrer unie, de l’extrême droite à la gauche radicale, et compter sur une trentaine de votes des députés Les Républicains (LR, droite classique) pour renverser le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée, et repousser la réforme des retraites. Un scénario improbable, aucun gouvernement n’étant tombé à la suite d’une motion de censure depuis l’avènement de la Ve République française en 1958, mais pas impossible pour autant, alors que la pression monte sur les parlementaires.
Permanence caillassée
Le chef du parti LR, Eric Ciotti, qui soutient le projet gouvernemental, a vu sa permanence caillassée dans la nuit de samedi à dimanche à Nice (sud) avec l’inscription « La motion ou le pavé ». D’autres parlementaires pro-réforme ont également été pris pour cible. M. Macron, qui joue son crédit et son deuxième mandat sur cette réforme, a réaffirmé « son soutien au Parlement et à l’ensemble de ses parlementaires, tout comme la mobilisation du gouvernement pour que tout soit mis en œuvre pour les protéger », selon l’Elysée. Dénonçant un « déni de démocratie », des manifestants s’étaient de nouveau réunis dimanche dans plusieurs villes de France, notamment à Paris. Des incidents se sont produits dans la capitale jeudi, vendredi et samedi soir.
Sur le front social, plusieurs secteurs-clés de l’économie restent perturbés, notamment dans les transports, la collecte de déchets et l’approvisionnement en carburant. La plus grande raffinerie du pays, située en Normandie (nord-ouest), a commencé à être mise à l’arrêt par des opposants et d’autres sites pourraient suivre.
La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables. Le gouvernement a fait le choix d’allonger la durée de travail pour répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. « Allons à la clarté. La clarté, c’est le vote », a lancé la dirigeante du groupe majoritaire à l’Assemblée, Aurore Bergé, interrogée par les médias France info, France inter et Le Monde.
Et si le gouvernement était renversé, « il faut assumer, on y retourne », a-t-elle ajouté, avec une possible dissolution que pourrait décider le président Macron, actuellement au plus bas dans les sondages – 28% d’approbation – depuis 2019. Jean-Luc Mélenchon, le héraut de la gauche radicale, ne croit pas en un tel scénario. Aux élections suivantes, M. Macron « se prendrait la raclée du siècle, par conséquent, il ne le fera pas », a-t-il estimé devant un autre panel de médias. Et de prédire : « La lutte va continuer quel que soit le résultat. »