Réforme des retraites en France : la Brav-M, une brigade policière nécessaire ou dangereuse ?
Présente lors des manifestations contre la réforme des retraites, la Brav-M est sous le feu des projecteurs pour ses méthodes controversées. Les critiques à leur égard sont-elles justifiées ? Existe-t-il un équivalent chez nous ? Analyse avec Vincent Gilles, président du syndicat SLFP Police.
Alors que les manifestations contre la réforme des retraites continuent à mobiliser des centaines de milliers de Français (570.000 selon le gouvernement, près de deux millions selon les syndicats pour la dernière mobilisation), de nombreux témoignages de violences policières font progressivement surface. Une brigade est particulièrement pointée du doigt : la Brav-M, ou ou Brigade de répression de l’action violente motorisée.
Étant sous le coup de plusieurs enquêtes judiciaires, celle-ci fait parler d’elle ces derniers jours. Matraquages au sol, coups de poing, utilisation douteuse du gaz lacrymogène et autres insultes ont été exposés à plusieurs reprises sous l’œil des caméras.
Une situation dénoncée par de nombreux manifestants, qui mettent en évidence ces ‘bavures’ et dénoncent la légitimité générale de leurs interventions. Certains corps de police s’agacent également de la présence de cette brigade sur le terrain, considérant que « les unités qui servent sur un dispositif de manifestation ne sont pas forcément avisées de l’intervention de la Brav-M et ça peut déséquilibrer le maintien de l’ordre comme conçu initialement« , comme l’explique Alain Vastel, secrétaire national de Unité SGP Police en charge des CRS, à FranceInfo.
Une pétition avait d’ailleurs été lancée le 23 mars dernier pour demander la dissolution de cette brigade, et avait été signée par plus de 260 000 personnes l’ait signée. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, cette unité est à l’origine de plus de 1800 interpellations depuis le 16 mars dernier.
Une pensée napoléonienne
Créée au début de l’année 2019 suite de la montée en puissance du mouvement des gilets jaunes, la Brav-M est principalement utilisée lors de grandes manifestations. Selon le magazine français l’Express, elle serait composée de 216 personnes. Casque noir ou blanc sur la tête, circulant en binôme à moto (un conducteur issu des rangs d’une unité motocycliste et un policier passager, ndlr), cette unité débarque généralement quand il est déjà trop tard et qu’une urgence de dispersion est nécessaire.
A ce jour, quarante-cinq enquêtes judiciaires ont été ouvertes à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) depuis le début de la mobilisation, dont plusieurs concernent la Brav-M. Ce qui ne serait que la partie visible de l’iceberg, selon certains protestataires.
Pour Vincent Gilles, président du syndicat SLFP Police, ce n’est pas surprenant. « La France est encore dans des notions napoléoniennes, c’est-à-dire ‘la Force doit rester à la loi’. L’État est un état centralisateur donc il n’est pas question qu’il laisse quiconque aller au-delà de la limite fixée. Ils ne négocient pas. »
Le syndicaliste estime que dans la gestion de l’espace publique, notre voisin français est dans le même canevas qu’en Belgique avant 1992, c’est-à-dire avant la loi sur la fonction de police, qui définit le cadre et la manière selon lesquels les services de police interviennent et mènent leur mission sur le terrain.
Mais si Vincent Gilles considère que dans le cas français, la multiplicité des violences envers les biens publics et les forces de l’ordre pourrait justifier la pertinence de la présence de cette unité, « il faut faire la part des choses de ce constat d’augmentation de violences de part et d’autre, la mise en œuvre des moyens. Mais la justice s’exprimera très certainement en affirmant que l’usage de la force doit toujours demeurer subsidiaire et proportionnel. »
En Belgique, on a une philosophie de la gestion de l’espace publique fortement différente à celle de la France. Nous avons une gestion plus négociée de celle-ci.
Une Brav-M version belge ?
A l’époque, la contestation des gilets jaunes s’était également étendue sur le sol belge. Et chez nous aussi, la discussion autour de la création d’une brigade motorisée était sur la table. Mais elle n’a pas fait long feu.« En Belgique, on a une philosophie de la gestion de l’espace publique fortement différente à celle de la France. Nous avons une gestion plus négociée de celle-ci. Lorsqu’Anvers est arrivé avec cette idée de deux gars à moto dont un qui matraquait tout ce qui passait, ça n’a pas passé la rampe », indique Vincent Gilles. « Le mot-clé de notre philosophie, c’est la volonté de désescalade. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour que l’incident, s’il intervient, ne prenne pas des proportions ingérables. Si le dialogue ne fonctionne pas, nous avons d’autres outils, des ‘moyens spéciaux’ qui se manifestent par trois avertissements verbaux d’abord. »
Dans le cas belge, le président SLFP Police ne voit pas la pertinence de la création de cette unité. Plutôt dans une logique de discussion, l’utilisation de ce type de brigade pourrait même contre-productif, selon lui. Tout d’abord parce que les manifestants ‘perturbateurs’ ne se déplacent plus en groupe compact habillé tout en noir, mais se fondent dorénavant dans la masse par bloc de quelques personnes. « Opérationnellement, cela met extrêmement en danger les citoyens et c’est aussi extrêmement limité. L’arrivée de la moto va surtout faire peur au ‘bon citoyen’ qui se serait fait emporter par des black blocs. »
Selon le syndicaliste, il ne risque pas d’y avoir ce type de brigade chez nous à l’avenir. En France, par contre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin continue de défendre sa gestion du maintien de l’ordre et fait fi des critiques à l’égard des membres de la Brav-M. De ‘bon’ augure pour la prochaine et douzième mobilisation générale, le 13 avril prochain.
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