Procès des attentats du 13 novembre 2015 en France : les premières plaidoiries des parties civiles
« Ils ne portaient pas d’uniformes. Ils ne défendaient aucune cause. Ils ne voulaient de mal à personne ». Au procès des attentats du 13 novembre 2015 en France, la cour a commencé lundi à entendre les avocats des parties civiles, réunis dans une inédite plaidoirie collective.
C’est Me Sylvie Topaloff qui prononce solennellement ces premiers mots face à la cour d’assises spéciale de Paris qui juge les pires attentats jamais perpétrés en France. « Ils voulaient boire un verre en terrasse, écouter de la musique, regarder un match de foot », continue-t-elle. « Et ils ont été frappés. Et nous avons tous vacillé ». Après huit mois d’audience d’un procès hors-norme, l’avocate est la première à plaider dans une salle remplie, au nom des rescapés et proches de victimes de ces attaques qui ont fait 130 morts à Paris et à Saint-Denis, en banlieue, le 13 novembre 2015.
Ces plaidoiries, prévues jusqu’au 7 juin, débutent avec cinq jours d’une « inédite » plaidoirie collective organisée par thèmes, comme l’explique l’avocate Frédérique Giffard dans un propos introductif. « Comment en quelques minutes, vous dire l’infinie diversité des victimes et le lien qui les rassemble? C’est infaisable », dit-elle à la cour. « Ça fait six ans qu’on compose pour que nos clients ne soient pas doublement éprouvés: d’abord parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment », et pour ne pas souffrir « d’avoir été trop nombreux pour pouvoir être chacun une victime à part entière ».
Alors, pour porter toutes leurs paroles sans faire « masse », pour ne pas « créer d’inégalité des armes » avec les 14 accusés présents devant la cour et « respecter les droits de la défense », une centaine d’avocats représentant deux tiers des près de 2.400 parties civiles ont accepté de « coordonner » leurs propos. Ils plaideront pour la « communauté » des victimes plutôt que pour leurs clients respectifs, une vingtaine de minutes chacun. Chaque jour avant les plaidoiries, des avocats diront un mot d’hommage pour des victimes décédées.
Ce lundi, c’est la mémoire de Christopher, Thibault, Charlotte et Emilie, Fabrice, Stéphane, Mathieu, Estelle et Marion qui est rappelée, parfois à l’aide de photos projetées à l’écran.
– « Monstrueux procès » –
A la barre ensuite, les avocats se succèdent pour dérouler les thèmes attribués – assez larges en cette première journée. « Dans les gradins d’un Stade (de France) archi plein, Jean-Luc serre l’épaule de son fils avec toute la ferveur d’un supporter. Au même moment, sa femme Muriel danse au Bataclan. (A la brasserie) la Belle équipe, c’est l’anniversaire de Hodda et de Jessica », rappelle Me Jean Reinhart. « Tout était bien mais dans l’ombre, le mal lâche est déjà là. Il tire dans le dos de ses victimes ».
« Nous sommes face à une idéologie salafiste meurtrière » qui « appelle à des assassinats de masse », affirme Me Samia Maktouf. « Si l’on a appris une chose au cours de cette audience, c’est que ceux qui sont dans le box ne sont ni des fous, ni des marginaux, ni des monstres, ni des pauvres personnes manipulées », avait martelé Me Topaloff.
Dans ce « monstrueux procès » – « en tout cas destiné à juger des faits monstrueux », dit Me Gérard Chemla, on a parfois « recherché une parcelle d’humanité ». « Tellement qu’on finit par la trouver même quand elle n’est pas là ». « Je n’ai pas cru aux quelques larmes trop rares », continue-t-il, en référence aux excuses présentées par le seul membre encore en vie des commandos, Salah Abdeslam.
« Aujourd’hui, vous jugez ceux qui restent de ce bataillon – ceux qui ont réussi sont morts. Vous jugez ceux qui ont calé, ceux qui ont été empêchés, ceux qui ont aidé. Leurs responsabilités sont distinctes mais leur positionnement équivoque », estime-t-il, moquant des postures d’accusés « enfermés dans leurs mensonges », qui « ne savaient pas », « ne pouvaient pas faire autrement ».
Au cours des prochains jours de plaidoiries, les différents lieux des attentats seront abordés plus en détail, ainsi que les conséquences sur la vie des survivants. A partir du 1er juin et pour une semaine, les avocats qui n’ont pas souhaité s’associer à la plaidoirie collective auront la parole, avant les réquisitions et les plaidoiries de la défense. Le verdict est attendu le 29 juin.
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