Gouvernement Barnier: sous le feu de nombreuses critiques dès son premier jour
A peine né pour tenter de clore une longue crise politique en France, le gouvernement de Michel Barnier, attelage fragile entre les macronistes et la droite, est déjà sous le feu des critiques de la gauche et de l’extrême droite, qui tiennent sa survie entre leurs mains.
Michel Barnier sera dimanche l’invité du journal de 20H00 sur France 2, au lendemain de la nomination de son gouvernement par Emmanuel Macron, ont annoncé l’entourage du Premier ministre et la chaîne publique. Les premiers pas officiels des 39 nouveaux ministres sont attendus lundi, avec les passations de pouvoir puis un conseil des ministres autour du chef de l’Etat. Une exception pour Bercu ou la cérémonie de passation de pouvoirs sera organisée dès ce dimanche à 18H15, en présence des nouveaux ministres et ministres délégués.
Le gouvernement annoncé officiellement samedi soir fait la part belle au parti du président, Renaissance, et une bonne place à celui de droite Les Républicains (LR), pourtant sortis en net recul des élections législatives provoquées par la dissolution controversée de l’Assemblée nationale par le président Macron, suite au scrutin européen. Le gouvernement Barnier devra réussir à s’imposer face à une Assemblée fragmentée en trois blocs irréconciliables: la gauche, arrivée première aux élections en juillet, mais absente du gouvernement, le centre droit macroniste et l’extrême droite, en position d’arbitre.
« Concorde »
La gauche a déjà promis la censure du nouvel exécutif. Le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a appelé à se « débarrasser aussitôt que possible » de ce « gouvernement des perdants », qui n’a selon lui « ni légitimité ni futur ».
« Les Français n’attendent qu’une chose des responsables publics: des résultats. Je suis donc là pour agir, avec un seul mot d’ordre: rétablir l’ordre pour assurer la concorde », a affirmé sur le réseau social X le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR), dont le profil conservateur sur les sujets de société et très ferme sur l’immigration a cristallisé les critiques à gauche mais aussi au sein du camp présidentiel.
Le nouveau ministre de l’Economie et des Finances, le jeune macroniste Antoine Armand, a lui estimé dans un entretien au Journal du dimanche (JDD) qu’exclure « d’office certains prélèvements exceptionnels et ciblés ne serait pas responsable » vu l’état des finances publiques. Il a aussi promis de « baisser la dépense publique ». L’élaboration du budget 2025, qui a déjà pris un retard inédit, est l’urgence numéro un dans un contexte très tendu. Le Premier ministre a affirmé mercredi avoir découvert une « situation budgétaire très grave ». La France fait, avec plusieurs autres pays membres de l’UE, l’objet d’une procédure européenne pour déficits excessifs. Signe de l’importance de ce dossier, M. Barnier a voulu garder un oeil sur ce dossier explosif en mettant sous sa tutelle directe le ministre macroniste des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.
« Gouvernement réactionnaire »
Parmi les autres nommés, le centriste Jean-Noël Barrot, ancien ministre chargé de l’Europe, dirigera la diplomatie française. Seule « prise » venue de la gauche, alors qu’Emmanuel Macron prônait un gouvernement de « rassemblement » et que Michel Barnier s’est évertué à attirer des sociaux-démocrates: Didier Migaud à la Justice. Mais l’ex-député socialiste a quitté la politique active depuis 2010.
L’attelage marqué à droite est d’emblée marqué par les tensions entre le Premier ministre et le camp présidentiel, qui gouvernait sans partage depuis sept ans. En cause, une équipe jugée trop droitière par le parti du centre MoDem et une partie du camp présidentiel, et dont le programme reste flou en attendant la déclaration de politique générale prévue le 1er octobre.
A gauche, cet exécutif a été dénoncé comme « un gouvernement réactionnaire en forme de bras d’honneur à la démocratie » par le patron des socialistes, Olivier Faure, qui a donné « rendez-vous pour le débat de censure » à l’Assemblée. L’ONG environnementale Greenpeace a estimé de son côté que le gouvernement Barnier semblait « déjà enfermé dans les logiques dépassées de l’ancien monde » face à l’urgence climatique.
Quant au président du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, qui détient à l’Assemblée la clé de la survie de la nouvelle équipe, il a taclé un gouvernement qui « n’a aucun avenir », tandis que la cheffe des députés, RN Marine Le Pen fustigeait un exécutif « éloigné du désir de changement et d’alternance » exprimé lors des législatives cet été.
Les principaux visages du nouveau gouvernement
Bruno Retailleau, un conservateur radical à l’Intérieur
Figure d’une droite libérale-conservatrice inflexible, Bruno Retailleau, 63 ans, prend un ministère clé avec lequel il entend bien mettre en oeuvre son triptyque favori: « ordre », « autorité » et « fermeté ». Sénateur de Vendée (ouest), terre conservatrice et catholique par excellence, M. Retailleau affiche des convictions très droitières, sur le mariage homosexuel, l’avortement ou la fin de vie. Concernant l’immigration, un de ses chevaux de bataille, il est partisan d’une politique dure. »Il n’y va pas (au ministère de l’Intérieur, ndlr) pour faire une politique centriste, c’est sûr. Il va y aller franco », prévient un sénateur centriste. Ses compagnons de droite assurent cependant que l’homme « sait s’arrondir » et être « à l’écoute ».
Jean-Noël Barrot, la fulgurante ascension
Le nouveau chef de la diplomatie française, 41 ans, connaît une ascension rapide, après être passé du Numérique à ministre délégué à l’Europe. Fils de l’ancien ministre et commissaire européen Jacques Barrot, il a reçu en héritage d’être « un Européen convaincu ». Si certains diplomates estiment qu’il « vit sur la réputation de son père », d’autres concèdent qu’il a su imprimer discrètement sa marque notamment au moment de la campagne des élections européennes, au printemps dernier. Au Quai d’Orsay, il « va devoir travailler beaucoup de dossiers en un temps record », prédit un diplomate. Et « s’imposer », car « c’est un poids plume dans la jungle des relations internationales ».
Rachida Dati, l’insubmersible
Très connue dans l’opinion publique en raison de son langage fleuri et ses piques mordantes, Rachida Dati, ex-protégée de l’ancien président de droite Nicolas Sarkozy, est une figure insubmersible de la scène politique française.
Le président Macron avait fait un « coup » médiatique et politique en la faisant revenir sur la scène nationale au poste de ministre de la Culture dans le gouvernement de Gabriel Attal. Elle est l’une des deux seules personnalités du précédent gouvernement à conserver son poste.
Lecornu, le soldat de Macron
Discret mais fin politique, fidèle du président, le ministre des Armées Sébastien Lecornu conserve son portefeuille auquel viennent s’ajouter les Anciens combattants, et reste un des rares à bénéficier d’un budget en forte hausse, sur fond de tensions internationales. « Lecornu, c’est le bon soldat qui par ailleurs n’a pas trop de charisme ni d’avenir présidentiel » susceptible de faire de l’ombre à Emmanuel Macron, dont il a activement animé la campagne présidentielle de 2022, relevait en début d’année un conseiller ministériel. Propulsé au gouvernement en 2017 à seulement 31 ans, l’homme politique issu du camp de droite est passé par l’Ecologie, les Collectivités, l’Outre-mer, avant d’hériter du portefeuille stratégique des Armées.
Anne Genetet, la surprise à l’Education nationale
La députée macroniste Anne Genetet, jusqu’ici connue pour ses travaux sur la défense et la diplomatie, a été propulsée à la tête du ministère de l’Education nationale, la sixième titulaire du portefeuille en sept ans. Médecin puis journaliste, employée dans le privé puis députée… A 61 ans, Anne Genetet, inconnue du grand public et des enseignants, s’apprête à découvrir l’une des administrations les plus exigeantes de l’Etat.
Un duo de macronistes pour Bercy
Pour le poste le plus exposé du gouvernement, à l’heure où la France est visée par une procédure européenne pour déficit excessif, Michel Barnier a choisi un duo inconnu du grand public: Antoine Armand pour l’Economie, les Finances et l’Industrie d’un côté; Mathieu Lefèvre de l’autre pour le Budget.