Pourquoi l’affaire Palmade est un terreau idéal pour le conspirationnisme
Depuis l’accident causé le 10 février par l’acteur et humoriste Pierre Palmade, pas un jour ne se passe sans que la presse ne relaye la dernière information disponible sur l’avancée des événements. Une médiatisation importante dont s’emparent les conspirationnistes pour développer leurs thèses les plus fantasques.
Conduite sous influence de cocaïne, prétendue détention de vidéos à caractère pédopornographique, implication de la très controversée Michèle Marchand…
Les thématiques sulfureuses ne manquent pas concernant ce que les médias ont nommé « l’affaire Palmade ». Si certains lecteurs y voient un banal fait divers, d’autres estiment que l’accident de l’humoriste est lié à un gigantesque complot.
Depuis le 10 février dernier, date de l’accident, de nombreuses théories circulent sur internet. Cependant, ce n’est que récemment que l’affaire a pris un tournant déterminant dans la propagation de théories du complot. Selon certains, l’accident vasculaire cérébral (AVC) de l’humoriste français ne serait qu’une mise en scène lui permettant d’éviter des poursuites judiciaires et de couvrir d’autres coupables.
Michèle Marchand
Un des arguments les plus fréquent de ces fanas du complot est l’implication de Michèle Marchand, une des figures les plus importantes du journalisme people en France. Femme d’affaires à la réputation sulfureuse, Michèle Marchant aura tout fait dans sa vie. Elle commence sa carrière comme garagiste avant de devenir patronne de boîte de nuit puis d’être une proche conseillère de la famille Macron.
Elle passera même par la case prison, deux fois. La première pour avoir fourni des chèques sans provision en 1986, la seconde en 1990 lorsqu’elle se fait arrêter au volant d’un véhicule rempli de drogue en provenance du Maroc.
C’est cette même Michèle Marchant, qui, se trouvant à la cérémonie des Victoires de la musique, quittera la salle pour rejoindre son ami Pierre Palmade à l’hôpital à la suite de son accident.
Le lien est vite fait pour les complotistes : celle que l’on surnomme « Mimi » ferait tout ce qui est en son pouvoir pour faire capoter l’enquête sur « l’affaire Palmade ».
L’arbre qui cache la forêt
Outre la consommation de cocaïne de l’acteur, un autre point affole les adorateurs des théories du complot : les récentes révélations selon lesquelles Pierre Palmade serait un consommateur de vidéos à caractère pédopornographique. En effet, depuis le samedi 18 février, une enquête a été ouverte pour détention d’images à caractère pédopornographique visant l’humoriste après un signalement effectué auprès des services de police.
Cette enquête donne un nouvel os à ronger aux personnes les plus sceptiques, la pédophilie étant un des thèmes privilégié de nombreuses thèses complotistes, comme celle promue par QAnon. Le groupe extrémiste provenant des Etats-Unis affirme que « l’élite » qu’elle soit politique, économique ou du « show business » est composée de « pédosatanistes » qui dirigent le monde.
« C’est une nouveauté chez nous », affirme François Debras, professeur associé à l’ULiège et maître assistant à l’HELMO, spécialiste des discours extrémistes, populistes et complotistes.
« Il existe de nombreuses théories du complot en Europe, mais très peu concernent des réseaux pédophiles », explique-t-il.
Selon lui, « les théories du complot suivent souvent la même structure narrative. Nous parlons toujours d’une minorité, d’une élite, qui dirige une masse dont le seul défaut est d’être naïve », détaille-t-il. « Cette structure s’adapte ensuite à l’actualité. Durant la crise du coronavirus, les soupçons se dirigeaient vers les entreprises pharmaceutiques. Ensuite, ça a été le tour des banques et pouvoirs économiques qui causaient l’inflation … »
« Pas de fumée sans feu »
Loïc Nicolas, spécialiste en argumentation et en persuasion, définit la démarche conspirationniste de la manière suivante : « Elle s’attache à recueillir et à combiner des événements épars élevés au statut de faits bruts, pour les faire tenir ensemble au sein d’une trame narrative, dans l’intention d’apporter la preuve que ces faits sont forcément liés entre eux, en ce qu’ils résultent d’une cause unique, c’est-à-dire d’un complot dont ils témoignent et au sein duquel les participants répondent à une nature profonde, un agenda caché, des obligations ou des pulsions mauvaises et destructrices qui les déterminent ».
En résumé, « il n’y a pas de fumée sans feu », « comme par hasard »… « Ces expressions familières résument bien la pensée conspirationniste », affirme François Debras. « Lier des événements, qui n’ont parfois aucun rapport entre eux, crée un doute. C’est ce scepticisme que recherchent les thèses du complot, plus qu’une réelle réponse ».
C’est humain
« Le conspirationnisme a toujours existé. Il sert à donner du sens là où on ne le trouve pas. Il offre un sentiment de maîtrise qui a une utilité psychologique », analyse Vassilis Saroglou, professeur de psychologie des croyances à l’UCLouvain.
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« Quand le monde devient trop compliqué, nous avons le besoin humain de lui donner du sens. Là où, il y a plusieurs années, les personnes complotistes avaient peur d’expliquer leurs thèses, se demandant même parfois si ce n’était pas bizarre pour elles d’avoir ce genre de croyances, elles trouvent aujourd’hui un écho plus facilement grâce aux nouveaux moyens de communications », détaille le professeur de l’université louvaniste.
« Une différence fondamentale entre ce genre de croyances et des croyances paranormale par exemple, c’est que certaines sont parfois vraies ou en partie vraies. Cela augmente alors encore la certitude que l’on nous cache des choses et enfonce ces personnes dans leurs croyances », conclut Vassilis Saroglou.
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