« Misogynie », « racisme social »: les influenceurs, tous légitimes pour s’exprimer sur des sujets politiques?
Taxée d’opportunisme et jugée illégitime, l’influenceuse et mannequin de charme Polska a été la cible de nombreuses moqueries après avoir manifesté contre la réforme des retraites, en France. Entre sexisme ordinaire et mépris social, le débat politique est-il réservé à une élite sociale? Analyse.
Les formes contre la réforme ». C’est avec ce slogan que l’influenceuse et mannequin de charme Polska a défilé fin mars dans les rues de Paris contre la réforme des retraites. A l’instar de dizaines d’autres influenceurs, la Française d’origine polonaise a voulu user de sa notoriété pour sensibiliser au débat politique. Mais alors que d’autres ont été applaudis pour leur démarche, c’est un vent de critiques qui a déferlé sur Polska. Un chroniqueur de l’émission « Quotidien », notamment, a qualifié l’influenceuse de « célèbre » pour avoir été « recalée en raison de son décolleté plus profond que le trou de la Sécu » (sic). Des moqueries qui ont suscité l’indignation des collectifs féministes. Et qui ont également soulevé cette question : les influenceurs sont-ils tous légitimes pour s’immiscer dans le débat politique ?
«Les influenceurs, ce sont des Français comme les autres. Il y en a qui sont de droite, d’extrême-droite, de gauche. Et certains viennent de classes populaires et s’expriment parfois mal », rappelle Philippe Moreau-Chevrolet, consultant en communication et professeur à Sciences Po Paris. Alors quand ces influenceurs prennent position sur des sujets politiques a priori techniques, en dehors de leur champ de compétences, cela peut entraîner des moqueries. « Le secteur de la politique, c’est un petit monde. C’est un milieu que l’on veut hautain, dans lequel il faut maîtriser des dossiers complexes. La politique est considérée comme une affaire d’adultes, observe Nicolas Vanderbiest, fondateur de Saper Vedere, cabinet d’études et de conseil en communication. Donc, de tout temps, il y a toujours eu une espèce de repoussoir envers les personnes du ‘peuple’. »
« Racisme social »
Pour Philippe Moreau-Chevrolet, qui n’hésite pas à parler de « racisme social » pour qualifier ce mépris envers les classes populaires, ce phénomène est d’autant plus marqué à gauche, où les prises de position sont généralement réservées aux élites. « Les influenceurs se font chambrer parce que ce ne sont pas des journalistes Bac +8 qui ont fait Sciences Po ou des bobos du 9e arrondissement, caricature l’expert. Leur positionnement est inattendu et surprend, parce qu’à gauche, la mobilisation est habituellement extrêmement intellectuelle. Donc voir des gens comme Polska, qui assument d’avoir un corps ou un physique, se mobiliser, c’est inhabituel. »
« On ne peut pas reprocher aux gens de laisser la politique de côté et de ne pas prendre position, et en même temps avoir des remarques misogynes ou des moqueries dès que des gens s’expriment »
Pour les deux experts, l’idée qu’il existerait un « profil-type » pour avoir voix au chapitre est complètement erronée. « « On ne peut pas reprocher aux gens de laisser la politique de côté et de ne pas prendre position, et en même temps avoir des remarques misogynes ou des moqueries dès que des gens s’expriment, insiste Nicolas Vanderbiest. Je pense que toute prise de position, quelle qu’elle soit, vaut ce qu’elle vaut. Et si ces gens-là sont des influenceurs, c’est bien parce que des gens les regardent et les suivent. »
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