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Macron à la recherche de son crédit international

Comment rebondir à l’international dans la foulée de la nomination d’un gouvernement marqué à droite, après plus de deux mois de chaos politique ? Le président français Emmanuel Macron va tester le terrain mardi et mercredi à l’Assemblée générale de l’ONU puis jeudi au Canada.

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, le chef de l’Etat était accaparé par une crise politique intérieure, les législatives n’ayant dégagé aucune majorité stable. Et si un gouvernement a finalement été formé samedi, sous la houlette du Premier ministre Michel Barnier, qui devra imposer son équipe déjà sous le feu des critiques, il reste à la merci d’une censure des extrêmes.

« L’Assemblée générale de l’ONU, c’est l’occasion pour Emmanuel Macron de rebondir. Il faut qu’il montre que la France garde une capacité à exister sur le plan international », résume Michel Duclos, ex-ambassadeur et conseiller spécial à l’Institut Montaigne à Paris, interrogé par l’AFP. « Tout système politique déstabilisé a une crédibilité et une capacité (d’action) diminuées« , explique Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales à Sciences Po. Une loi à laquelle la France échappe d’autant moins qu’elle était réputée pour la solidité de ses institutions depuis le début de la Ve République, le régime politique en vigueur en France depuis le 4 octobre 1958. « C’est une rupture sans précédent du point de vue de sa perception dans le monde » relève M. Badie, « sauf peut-être lors du mouvement étudiant en (mai) 1968 »: parti de l’université, ce dernier devint une contestation généralisée, politique, sociale et culturelle, qui contribua à moderniser la société française.

« Pas assez fort »

Ces dernières années, la France a déjà été « chassée du Sahel » – où les régimes militaires au Burkina Faso, Niger et Mali ont tourné le dos à l’ancienne puissance coloniale et se sont rapprochés de la Russie pour combattre la violence des groupes jihadistes -, elle s’est en partie « désinvestie » du Proche-orient et le chef de l’Etat « paie » sa posture de dialogue avec la Russie au début de la guerre en Ukraine, renchérit Michel Duclos.

L’onde de choc de la crise politique se ressent jusqu’à Bruxelles. Dernier exemple en date, la démission du commissaire français Thierry Breton au terme d’un bras de fer avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, avec laquelle ses relations étaient exécrables. « Ça signifie que le président (Emmanuel Macron) ne se sent pas assez fort pour résister à la présidente », a déploré le député européen Bernard Guetta, proche du camp présidentiel, sur France 5. « Oui la France est affaiblie« , concède-t-il.

Durant l’été, le chef de l’Etat a été en contact avec tous les acteurs du conflit à Gaza. Après la série d’explosions de bipeurs et talkies-walkies dans les rangs du mouvement islamiste libanais Hezbollah, il s’est aussi directement adressé aux Libanais dans une vidéo, martelant qu’un « chemin diplomatique » restait possible malgré le risque de « guerre ». Il est resté plus discret en revanche sur l’Ukraine, quand le Premier ministre britannique Keir Starmer discutait avec le président américain Joe Biden de la possibilité d’autoriser Kiev à utiliser des missiles à longue portée contre la Russie. Lors de l’Assemblée générale des Nations-unies (où il ne s’était pas rendu en 2023) Emmanuel Macron s’exprimera dans différentes enceintes, avec en point d’orgue le discours à la tribune de l’ONU mercredi.

« Beaux discours »

« On est à un point au sein de la communauté internationale où il faut recréer du lien, des points de convergence. Et c’est ce à quoi le président de la République va s’attacher lors de ses deux jours à New York », souligne-t-on au palais présidentiel de l’Elysée. Il devrait rencontrer certains de ses homologues du Proche-Orient, du G7 et du G20. Un entretien avec le nouveau président iranien Massoud Pezeshkian n’est pour l’instant pas confirmé. Il se rendra ensuite au Canada afin de « relancer le partenariat stratégique » entre ces deux pays alliés avec le Premier ministre Justin Trudeau et y vanter la francophonie.

La partie n’est pas pour autant gagnée. « L’Assemblée des Nations-Unies, c’est la diplomatie de la rhétorique, du verbe, les beaux discours. Ça a servi Macron au début, lui a donné une certaine aura (..) Mais aujourd’hui on ne voit plus tellement d’attentes » à son égard, relève Bertrand Badie.

Plus acerbe, l’ancien ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin assène que la France « s’efface » et que « le logiciel présidentiel est dépassé » sur la scène internationale. Un constat que relativise en partie Michel Duclos, estimant qu’Emmanuel Macron conserve une « certaine stature personnelle » et qu’on lui reconnaît encore des « idées, du panache ». A cet égard, « New York sera un test de son crédit international ».

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