La mise en garde d’Emmanuel Macron: « Notre Europe, aujourd’hui, est mortelle, elle peut mourir »
Le président français Emmanuel Macron s’exprimait jeudi à la Sorbonne sur ses ambitions européennes. Il a notamment mis en garde sur les bouleversements mondiaux qui peuvent impacter l’UE.
Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste de l’Europe, affirmant qu’elle était « mortelle« , en « situation d’encerclement« , et qu’elle courait le risque d’être « reléguée » face à la compétition des autres grandes puissances, appelant à un nouveau sursaut des Vingt-Sept à l’horizon 2030.
« Nous devons être lucides aujourd’hui sur le fait que notre Europe est mortelle, elle peut mourir », a-t-il martelé dans un discours sur l’avenir de l’UE, perçu comme son entrée en campagne pour les élections européennes.
« Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant » car « à l’horizon de la prochaine décennie, (…) le risque est immense d’être fragilisé voire relégué« , a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats-membres de l’UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.
Le président français a évoqué une Europe « dans une situation d’encerclement » face aux grandes puissances régionales et jugé que les valeurs de la « démocratie libérale » européennes étaient « de plus en plus critiquées » et « contestées ».
« Le risque, c’est que l’Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts », a averti le chef de l’Etat, plaidant pour une « Europe puissance », qui « se fait respecter », « assure sa sécurité » et reprend « son autonomie stratégique ».
Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l’UE à renforcer encore sa défense au sein de l’Otan, évoquant au passage la possibilité pour elle de se doter d’un bouclier antimissiles.
Emmanuel Macron a annoncé à cet égard qu’il allait inviter les Européens à bâtir un « concept stratégique » de « défense européenne crédible« . Il a aussi appelé l’Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un « emprunt européen », sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l’armement.
Entrée en campagne
Au niveau commercial, le président français a demandé une « révision » de la politique commerciale européenne « en défendant nos intérêts », face aux pratiques commerciales chinoises et américaines.
« Ça ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu’elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques », a-t-il déclaré.
Un discours largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l’Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.
Selon un sondage Opinionway sur les élections européennes du 9 juin publié vendredi, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).
En écho au chef de l’Etat, Jordan Bardella, tête de liste du RN aux européennes, tiendra dans l’après-midi une conférence de presse pour présenter son programme et tenter ainsi d’imposer un duel au sommet.
L’Elysée a réfuté pour sa part toute tactique électoraliste, affirmant que M. Macron ambitionnait d' »influer sur l’agenda » de la prochaine Commission européenne à l’issue des élections de juin.
Une légitimité qui sera mesurée à l’aune des réactions européennes. Et au retour des Français qui estiment à 57% que le président n’a pas eu « d’influence réelle » sur l’UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.
Dès vendredi, le président prendra aussi la température lors d’un échange avec des étudiants à Strasbourg, où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne.