Le député François Hollande imagine-t-il à nouveau avoir un destin présidentiel? © GETTY

Clash entre Hollande et Mélenchon, compromis avec Bayrou: le retour de la gauche de gouvernement

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le Parti socialiste prend ses distances avec La France insoumise et ménage le gouvernement Bayrou. L’ancien président François Hollande est un artisan de ce revirement. Par intérêt personnel?

Il ne s’agit pas encore d’un come-back comparable à celui réalisé par Donald Trump. Mais une petite musique commence à se faire entendre qui serine qu’il n’est pas «indifférent à 2027», la prochaine échéance électorale présidentielle en France. Ainsi, François Hollande, dans l’incapacité de se représenter en 2017 après son mandat, aurait lui aussi une envie de revanche et mûrirait un «plan secret» pour ce rendez-vous, selon l’hebdomadaire Le Point. Si cette ambition est avérée, dans l’intérêt du dirigeant socialiste, il ne devrait pas être anticipé, le cas échéant, par une démission d’Emmanuel Macron. C’est bien ce à quoi s’emploie François Hollande.

«Il se trouve que j’ai été président de la République, je ne suis pas dans un jeu qui serait celui des partis», s’est défendu, le 20 janvier au micro de RTL, le député élu le 7 juillet 2024 dans la première circonscription de Corrèze. L’actualité des dernières semaines dément pourtant cette profession de foi. De l’avis de tous les observateurs, François Hollande a joué un rôle essentiel dans le choix du Parti socialiste de ne pas voter la motion de censure présentée par les autres partis de gauche après la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, François Bayrou, le 13 janvier. Il aurait convaincu le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, et le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, qui en avaient l’intention, d’y renoncer.

Contre la motion de censure

Cette pression a eu son effet: dans un parti très divisé sur la question, seuls huit députés socialistes sur 66 ont approuvé la motion de censure. Les arguments de François Hollande étaient de trois ordres. D’une part, la discussion engagée par François Bayrou avec le PS avait apporté des avancées: l’ouverture d’une négociation portée par les partenaires sociaux sur la réforme des retraites, le renoncement au déremboursement de médicaments, le maintien de 2.000 postes dans l’Education nationale, et «sûrement une fiscalité plus lourde pour les hauts patrimoines». D’autre part, les électeurs ainsi que les acteurs économiques et locaux réclament de la stabilité. Enfin, s’engager dans une censure immédiate aurait placé l’exécutif sous l’épée de Damoclès du Rassemblement national de Marine Le Pen, qui certes n’envisageait pas de voter la censure après la déclaration de politique générale mais aurait pu en brandir la menace à la prochaine occasion et ainsi peser sur les options de François Bayrou, comme son prédécesseur Michel Barnier y avait été exposé jusqu’à devoir s’incliner devant le pouce baissé de Marine Le Pen le 4 décembre après seulement trois mois et huit jours d’exercice du pouvoir à Matignon.

Au Parti socialiste, c’est donc la ligne Hollande qui prévaut à ce stade. La mansuétude à l’égard du Premier ministre n’est pourtant pas garantie sur la durée. Le prochain test aura lieu au moment de l’examen du projet de budget. «Quand on est dans l’opposition, on ne vote pas le budget, a précisé François Hollande sur RTL. Les socialistes ne voteront pas le budget, cela ne veut pas dire qu’ils censureront. On verra bien. Il n’y aura pas de censure automatique. […] Si le gouvernement respecte sa parole et va plus loin, notamment sur la question écologique parce que c’est le grand oubli de ce budget…», le Parti socialiste pourrait ne pas s’associer aux Ecologistes, au Parti communiste, à La France insoumise, et, éventuellement, au Rassemblement national pour signer la mort du gouvernement. Dans l’hypothèse de ce front du refus des «extrêmes», les voix de plus de 20 députés socialistes seraient en effet nécessaires pour faire approuver la motion de censure.

«Jean-Luc Mélenchon attend une élection présidentielle qui ne vient pas.»

La colère de Mélenchon

Quatrième formation politique en nombre d’élus de l’Assemblée nationale, le Parti socialiste se voit donc en «faiseur de gouvernement». Pour l’ancien président de la République, c’est le mérite de François Bayrou de s’être adressé à la gauche, ce que Michel Barnier s’était gardé de faire, pour discuter du programme du gouvernement. Que seul le Parti socialiste y ait répondu favorablement, est une forme de tournant dans la politique contemporaine de la France, alors que le PS est resté scotché ces dernières années à La France insoumise dans les différentes formes de coalition électorales mises en place sous le leadership de celle-ci. Autant dire que cette rupture a suscité la colère noire de Jean-Luc Mélenchon, le patron de LFI.

Dans une déclaration agressive dont il est coutumier mêlant platement vie publique et vie privée, il a dénoncé la fourberie présumée de l’ancien président, le 19 janvier sur RTL: «Cet homme est une machine à tromper. Il a trompé tout le monde en 2012. Il trompe ses proches. Il trompe tout le monde.» Ce à quoi François Hollande a répondu, plus dignement: «Jean-Luc Mélenchon en est là, lui. Il attend une élection présidentielle qui ne vient pas . Elle est pourtant prévue en 2027. Il voudrait qu’elle puisse se produire avant. C’est son droit. Mais ce n’est pas la conception que j’ai des institutions. Les institutions, c’est fait pour être respecté. Il y a des échéances. Et ce n’est pas en bloquant […] tout processus gouvernemental, en arrêtant éventuellement un budget, en faisant tomber des gouvernements successivement que l’on arrivera à trouver la meilleure des positions à la fois pour le pays et pour la gauche.» Avec François Hollande, la gauche de gouvernement reviendrait-elle en force sur l’échiquier politique français? Et, par corollaire, la confrontation entre deux gauches «irréconciliables»?

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