Jean-Luc Mélenchon ce dimanche à Paris, commentant les résultats des élections législatives. © AFP

La gauche juste devant le centre, la droite en berne : les leçons des législatives françaises (analyse)

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Le Rassemblement National (RN), allié à une partie de la droite (LR) et donné favori après le premier tour, est le grand perdant de ces législatives anticipées en France. Le prochain gouvernement français devrait, sauf surprise, pencher vers le centre gauche. Mais la majorité présidentielle, arrivée deuxième, fait planer le suspense.

La voilà, la «clarification» voulue par Emmanuel Macron: le nouveau Front populaire (NFP), la bannière qui réunit les forces de gauche en France (LFI, Ecolo, PS et PC), a remporté ces élections législatives anticipées, consécutives à la dissolution de l’assemblée nationale décidée par le président Macron au lendemain des élections européennes perdues par la majorité présidentielle.

Avec 182 sièges, le NFP est toutefois très loin de la majorité absolue (289 sièges). Il est par ailleurs talonné par la majorité présidentielle (Ensemble, 168 sièges), ce qui ouvre théoriquement la perspective d’un gouvernement de centre-gauche, avec à sa tête une personnalité issue du Front populaire.

Mélenchon lyrique

Premier à prendre la parole ce dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon, patron de la France Insoumise et première force politique au sein du NFP, entend faire appliquer le programme de la gauche, sans se prononcer sur sa propre candidature au poste de Premier ministre (choisi par le Président de la république). «Les leçons du vote sont sans appel» a lancé ce dernier après la proclamation des premières estimations, soulignant la «défaite du Président et sa coalition. Le Premier ministre doit s’en aller (NDLR : il a été entendu : Gabriel Attal a remis sa démission ce dimanche soir). Le Président a le devoir d’appeler le NFP à gouverner. Celui-ci y est prêt», a-t-il tonné. «La parole donnée sera tenue. Le NFP appliquera son programme. Tout son programme», a promis le tribun d’extrême gauche, soulignant la possibilité de gouverner par décret pour faire avaler les premières pilules sociales que le NFP promet en pays. En vrac : l’abrogation de la retraite à 64 ans, le blocage des prix de produits de première nécessité, l’augmentation du smic, etc.

Les leçons du vote sont sans appel.

Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise.

«La gauche unie a sauvé la république, elle peut commencer l’œuvre écologique et sociale dont notre peuple, notre monde ont tant besoin,», a ponctué le leader de la France Insoumise, terminant sur une note poétique en citant Jean Ferrat, parlant du «goût du bonheur qui rend la lèvre sèche : [s]a France.» Une autre façon de dire que celui-ci attend un poste de Premier ministre avec ferveur…

La majorité présidentielle écarte LFI (pour l’instant)

Avec 168 sièges, la majorité présidentielle a largement éludé la question d’une formation gouvernementale, notamment avec LFI. Certains côté socialiste s’y préparent pourtant, tel François Hollande, ancien Président de la république et élu député en Corrèze sous la bannière NFP, qui a souligné un certain nombre de mesures négociables dans les prochaines semaines, telle l’indexation des salaires. «Il n’y a pas de temps à perdre», a-t-il insisté, plaidant pour un «apaisement» nécessaire après une campagne jugée «violente». D’autres au centre-droit, comme l’ancien Premier ministre Edouard Philippe (Ensemble), n’excluent pas une alliance de circonstance avec une partie de la gauche, tout en écartant une alliance avec LFI et le tribun Mélenchon. Emmanuel Macron a lui annoncé attendre la composition complète de l’assemblée nationale avant de se prononcer.

Le RN fustige le front républicain

L’extrême droite, grande perdante de ce scrutin avec 143 sièges, fait logiquement grise mine, Jordan Bardella, patron du Rassemblement National, fustigeant «l’alliance du déshonneur et les arrangements électoraux» qui ont empêché le RN, en tête après le premier tour, d’accéder au pouvoir. Dans son viseur, le front républicain qui, par le jeu des désistements au centre et à gauche, a dopé la performance des adversaires de ses candidats dans un certain nombre de circonscriptions.

«Ce soir Macron prive les français de toute réponse à leurs difficultés quotidiennes», a déploré Jordan Bardella, promettant «d’amplifier» le travail du RN à l’assemblée pour faire gagner les thèmes chers au parti populiste que sont l’immigration, l’insécurité et le déclassement économique. Actant, en creux, une défaite à laquelle lui et ses alliés, en premier lieu le président de LR Eric Ciotti, ne s’attendaient certainement pas. Ce dernier perd gros dans l’équation qui émerge à l’issue de ces législatives: les alliances passées par «ses» candidats avec l’extrême droite n’ont pas permis l’émergence d’un grand bloc conservateur, le reste du parti LR, qui l’a désavoué, tirant son épingle du jeu avec 45 sièges. La recomposition de la droite républicaine se fera sans doute sans lui.

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