France: Michel Barnier, un Premier ministre sous l’épée de Damoclès de l’extrême droite (analyse)
Ce n’est que parce qu’il peut éviter provisoirement la censure du Rassemblement national que le membre de la Droite républicaine a été choisi par Emmanuel Macron. Un sauveur mais de transition?
Après avoir «testé» les hypothèses de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve et du président de la région des Hauts-de-France Xavier Bertrand, Emmanuel Macron a choisi l’ancien commissaire européen Michel Barnier comme successeur de Gabriel Attal à la tête du gouvernement, sept semaines après la démission de celui-ci.
C’est la fin du feuilleton de la recherche d’un Premier ministre qui avait pris les allures de quête un peu désespérée après le rejet par le président de la candidature de Lucie Castets, la prétendante du Nouveau Front populaire (NFP), arrivé en tête des élections légilsatives le 7 juillet (faute d’assurance, selon Macron, de pouvoir éviter une censure immédiate) et le renoncement à proposer celle du socialiste Bernard Cazeneuve (qui, contesté par le Rassemblement national et une partie du NFP, aurait été rapidement sous la menace d’un motion de censure), et celle du membre des ex-Républicains Xavier Bertrand (qui, pour des raisons idéologiques et d’inimitié personnelle avec Marine Le Pen, aurait subi une censure immédiate).
A cette aune, Michel Barnier a l’avantage, dans l’entendement d’Emmanuel Macron, d’être de droite et de ne pas susciter le rejet direct du Rasemblement national. Le parti de Marine Le Pen a annoncé le jeudi 5 septembre qu’il ne le censurerait pas a priori mais qu’il serait attentif par la suite à son action en matière d’immigration, de sécurité et de budget. Une épée de Damoclès. Michel Barnier peut évidemment aussi faire valoir ses dons de négociatieur, éprouvé dans le processus de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne qu’il a mené avec un succès certain. Il n’en reste pas moins que sa désignation pose plusieurs questions.
Le respect de la démocratie? A l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, c’est le Nouveau Front populaire qui est arrivé en tête avec 192 députés élus à l’Assemblée nationale. Le Rassemblement national, arrivé troisième avec 120 députés (143 si on lui adjoint les élus de la liste d’Eric Ciotti et d’autres petites formations), est le parti qui a le plus progressé lors de ce scrutin. La coalition de l’ex-majorité macroniste, en deuxième position, est en revanche la force qui a perdu le plus de parlementaires. Et la Droite républicaine (ex-Les Républicains, hors l’aile Ciotti) n’a récolté que 53 élus. Or, c’est un membre de cette formation qui est désigné aujourd’hui Premier ministre et ce sont les formations de droite et du centre qui vont vraisemblablement constituer l’ossature de l’équipe gouvernementale. Cherchez la logique démocratique. Les Français ont doublement voté pour un changement. Ils vont avoir affaire à un gouvernement de droite et du centre, comme un copier-coller de la macronie
Une viabilité selon le bon vouloir du Rassemblement national? Un autre questionnement qu’inspire la désignation de Michel Barnier et la formation du futur gouvernement est leur dépendance au Rassemblement national. Ce n’est que grâce au «pacte de non-agression» concédé par Marine Le Pen que le nouvel exécutif peut espérer survivre. Vu l’état précaire des finances de l’Etat et de la situation économique de la France, le parti d’extrême droite peut sans doute accepter de voter un budget qui y apportait des remèdes. Mais quid de la politique migratoire du futur gouvernement? Elle devra nécessairement répondre à certaines revendications de l’extrême droite pour espérer éviter la censure. Quid de la réforme des retraites et du recul de l’âge de la pension, que le RN a contesté lors de son adoption par l’ex-majorité présidentielle grâce à l’article 49.3 ?
La position du futur gouvernement pose aussi une question morale. Comment expliquer aux Français qu’Emmanuel Macron et la macronie aient entre les deux tours des élections législatives appelé à un front républicain pour faire barrage à l’extrême droite et que, deux mois plus tard, ils «pactisent» avec elle pour assurer un semblant de vie au nouveau gouvernement et, à vrai dire, essayer de sauver le «bilan» du président du «en même temps», un «en même temps» de plus en plus à droite? Quoi qu’il en soit, la vie de Michel Barnier Premier ministre ne sera pas un long fleuve tranquille.
«Comment expliquer aux Français le front républicain aux élections voulu par Macron pour faire barrage à l’extrême droite et, deux mois plus tard, la pactisation avec elle pour former gouvernement?».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici