France: les syndicats saluent une « mobilisation historique » contre la réforme des retraites
Barrages routiers, trains massivement annulés, raffineries bloquées: les syndicats en France revendiquaient mardi une mobilisation « historique » contre la réforme des retraites, même si les taux de grévistes restaient un peu en deçà des records de précédentes journées d’action.
Pour la sixième journée d’action contre ce projet phare du président Emmanuel Macron et majoritairement rejeté par les Français, les syndicats avaient annoncé vouloir mettre le pays « à l’arrêt ». Une réunion des huit organisations de l’intersyndicale était prévue dans la soirée pour décider des suites du mouvement visant à faire plier l’exécutif sur la mesure au coeur du projet, le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Une nouvelle journée d’action samedi 11 mars est d’ores et déjà évoquée.
Peu avant le départ du cortège parisien en début d’après-midi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT Laurent Berger a salué une « mobilisation historique au regard des 40 ou 50 dernières années » avec environ « 20% » de manifestants en plus que le 31 janvier. Cette journée avait réuni 1,27 million de participants selon les autorités, 2,5 millions d’après les organisateurs. Le gouvernement « ne peut pas rester sourd » à cette mobilisation, a insisté M. Berger. « Ca va être la plus forte journée de mobilisation depuis le début de ce conflit », a assuré à ses côtés le leader de la CGT, Philippe Martinez, mettant en garde l’exécutif contre « un passage en force (qui) ne ferait que mettre le feu aux poudres ».
Alors que le Sénat s’apprête à adopter le texte, les manifestants espéraient encore pouvoir peser sur les événements, comme Audrey Sivadon, une ingénieure de 27 ans, manifestante à Beaune (centre est): « On a quand même une once d’espoir, sinon on ne serait pas là ». Partout en France, les cortèges étaient fournis, à un niveau comparable à la mobilisation record du 31 janvier. Ils étaient notamment entre 6.000 (préfecture) et 30.000 (CGT) à Nice (sud-est), entre 13.000 et 23.000 à Bayonne (sud-ouest), entre 30.000 et 245.000 à Marseille. Quelques échauffourées et tirs de projectiles ont été signalées, notamment à Paris ou encore à Lyon (est) et Rennes (ouest), où des engins lanceurs d’eau ont été utilisés par les forces de l’ordre. Au total, 10.500 policiers et gendarmes étaient mobilisés mardi en France, dont 4.200 à Paris.
Coupures et barrages
Les taux de grévistes en revanche restaient un peu inférieurs aux meilleurs scores enregistrés depuis le début du mouvement, chez les cheminots (39% contre 46,3% le 19 janvier) comme chez les enseignants. Dans la fonction publique d’Etat dans son ensemble, près d’un agent sur quatre était en grève, contre 28% lors de la première journée d’action le 19 janvier, et des blocages ont eu lieu dans des universités et lycées. De nombreux barrages routiers ont été recensés, des coupures sauvages d’électricité ont eu lieu dans le nord, et les expéditions de carburants ont été bloquées mardi matin à la sortie de « toutes les raffineries », de source syndicale.
Cette sixième journée marque le lancement ou la poursuite de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs, des transports aux raffineries en passant par l’énergie, le commerce ou les déchets. La semaine sera émaillée d’autres mobilisations, en parallèle des débats au Sénat où le gouvernement compte sur l’adoption de la réforme d’ici dimanche. Il envisage « un vote le 16 mars » dans les deux chambres. « Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau », anticipe une source gouvernementale, qui escompte un désengagement des syndicats réformistes.
Face « à la situation de blocage », Emmanuel Macron doit « trouver une sortie par le haut », « ou bien une dissolution » de l’Assemblée nationale, « ou bien un référendum », a plaidé le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (LFI) à Marseille. Emmanuel Macron joue une part importante de son crédit politique sur cette réforme. La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. Le gouvernement a choisi de le relever pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.