Gérald Papy

Face à l’extrême droite, «une dernière chance pour la France»

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le concepteur de la série Baron Noir n’aurait pas pu imaginer pareil scénario. Le 9 juin, la dissolution aux motivations incompréhensibles de l’Assemblée nationale rend presque atone la majorité présidentielle. Le 30 juin, le premier tour des législatives anticipées consacre la détestation d’Emmanuel Macron et l’ascension vertigineuse du Rassemblement national. Le 7 juillet, le deuxième round chamboule-tout rétrograde le parti arrivé premier une semaine plus tôt en troisième position, propulse le deuxième en tête, contient l’extrême droite et signe la victoire de l’union de la gauche. Le «troisième tour» donnera-t-il lieu à la résurrection d’une macronie new-look? Même cette hypothèse ne peut être exclue…

Que se passe-t-il dans la douce France? Au front anti-Macron a répondu une semaine plus tard le front républicain. La peur que continue d’inspirer le Rassemblement national a supplanté, chez nombre de Français, l’aversion que provoque la radicalité de Jean-Luc Mélenchon, figure essentielle du Nouveau Front populaire vainqueur. De ce front républicain, Jordan Bardella, comme de coutume, se plaint, criant à la conspiration de «l’alliance Macron-Mélenchon» qui l’a empêché de vêtir les habits de Premier ministre. Il oublie que les électeurs n’étaient pas forcés de suivre les consignes des directions de parti à Paris. C’est donc que la lutte contre l’extrême droite a encore un sens pour un grand nombre d’entre eux. Ce sens leur a été rappelé par l’attitude raciste, antisémite, homophobe de quelques-uns des candidats du RN, par la volte-face opportuniste de son leader sur des éléments importants de son programme, par sa propension à se voir déjà Premier ministre de cohabitation. Le jeune dirigeant d’extrême droite a fait un succinct mea culpa avant de reprendre, dans son entendement, sa marche en avant. Se fourvoie-t-il?

«La lutte contre l’extrême droite a encore un sens pour un grand nombre de Français.»

Deux lectures peuvent être faites de cette séquence pour le Rassemblement national. Un «plafond de verre», reflet du rejet de l’extrême droite dans une majorité de la population, empêchera décidément toujours son accession au pouvoir. Ou, au contraire, sa progression constante (huit élus à l’Assemblée nationale en 2017, 89 en 2022, 143 en 2024) augure d’un succès aux élections présidentielle et législatives de 2027.

Les démocrates de gauche et du centre, certains de droite aussi, se sont réveillés devant l’imminence de la menace de la victoire de l’extrême droite. Le risque est qu’ils oublient qu’elle n’est pas moins vive qu’avant le deuxième tour de ces élections. «Les électeurs nous laissent une dernière chance pour la France», a lancé au soir de sa réélection le député François Ruffin, dissident de La France insoumise. Or, les difficultés que rencontrent les composantes de la gauche à s’entendre et à faire des concessions sur leur programme annoncent une période d’instabilité qui pourrait ne s’apaiser que par la constitution d’un «gouvernement technique». Entre le 13 février 2021 et le 22 octobre 2022, l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a piloté un gouvernement de ce type en Italie. A son terme, lui a succédé… la dirigeante d’extrême droite Giorgia Meloni, victorieuse des élections de septembre 2022. Les démocrates sont prévenus.

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