Et maintenant? Voici les scénarios possibles après les élections en France, d’une coalition à l’éclatement du NFP
Le second tour des législatives laisse la France avec trois blocs inconciliables à l’Assemblée nationale. Deux scénarios semblent se dessiner, mais aucun n’est idéal. Et la désignation du futur Premier ministre risque de cristalliser les tensions.
La vague RN à l’Assemblée n’aura pas eu lieu. Annoncé vainqueur des législatives, avec une potentiellement majorité absolue, le parti de Jordan Bardella se retrouve 3e à l’Assemblée nationale, derrière la majorité présidentielle et le Nouveau Front Populaire. Un éclatement du paysage politique français qui apporte de la complexité, là où le président souhaitait de la clarification.
Vers quoi se dirige la France? Pour Amandine Crespy, professeure en science politique à l’ULB, deux scénarios principaux se dessinent. Premièrement, «une coalition gouvernementale sur la base d’un programme, comme cela se fait en Belgique.» Deuxièmement, une situation «une majorité relative pour les partis en tête, comme c’est le cas actuellement, avec une alliance au cas par cas».
«Une situation complètement belge, pointe Luc Rouban, directeur de recherche CNRS à Sciences Po Paris. Tout est bloqué. D’autant qu’il y a une très forte polarisation des différents blocs politiques. Toute coalition qui pourrait créer une majorité absolue devra faire l’objet de modération et de compromis. Avec des partis qui ont des positions très dures et très radicales, ce sera très difficile.»
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Une coalition… mais avec qui?
Le groupe représentant la majorité présidentielle pourrait éventuellement s’associer avec le centre gauche. «Le problème du NFP est qu’il n’est pas du tout homogène, estime-t-il. Il y a une gauche très radicale avec La France Insoumise d’un côté, et une gauche beaucoup plus modérée, avec des positions plus compatibles avec le macronisme.»
Sans majorité absolue, les propositions de loi seront extrêmement difficiles à faire passer. «Il y a des projets très différents, même à gauche. Entre les écologistes qui ne veulent pas le nucléaire et les communistes qui le soutiennent, par exemple. Ou les positions clivantes de LFI sur la politique internationale. Le risque est de se retrouver avec soit des renoncements, soit des compromis, et donc l’abandon des programmes.»
A droite, l’émergence d’une coalition de droite avec le macronisme et les Républicains, peut-être soutenue par une partie du RN, pourrait être envisagée. «Mais cela serait très difficile parce que Macron a pris des positions radicales vis-à-vis du Rassemblement national. En réalité, personne n’a de scénario pour l’instant.»
Fragile NFP
En toute logique, c’est le Nouveau Front Populaire qui devrait être à la manœuvre. «Mais cela implique de surmonter l’obstacle que constitue Jean-Luc Mélenchon, note Amandine Crespy. Il a montré lors de son allocution dimanche soir qu’il n’était ouvert à aucun compromis.» Elle ne serait pas étonnée de voir le NFP se fracturer. «C’est un peu la quadrature du cercle sur le plan arithmétique. Difficile de se passer du soutien de LFI.»
Luc Rouban juge aussi un éclatement du NFP possible, voire très probable. «Il y avait beaucoup de tensions, au sein LFI notamment. Et le Parti socialiste sort grand gagnant à gauche, il a doublé le nombre de députés et s’inscrit dans la suite du succès de Raphaël Glucksmann aux Européennes. »
Crise de leadership chez LFI
Le PS, complètement anéanti, existe de nouveau, confirme Amandine Crespy. Elle observe un rééquilibrage des rapports de force au sein de la gauche. «LFI avait gagné une position hégémonique sur la gauche depuis 2007, mais ici le PS et les écologistes ensemble pèsent également.» Une répartition peu anodine dans la perspective de discussions d’ouverture et de compromis avec les forces en présence.
«LFI est confrontée à une crise de leadership. Mélenchon est en fin de course.» Il y a eu, pendant la campagne, des exclusions de certaines personnalités politiques du parti à la demande de Jean-Luc Mélenchon. Des personnes comme Alexis Corbière qui sont populaires au niveau local. François Ruffin, très populaire également, qui a rompu avec LFI. Et ils ont été réélus. «Est-ce qu’il va y avoir un renouvellement de leadership qui permettrait d’avoir une forme de tolérance ou de flexibilité par rapport à des discussions de compromis avec des partis centristes ou pas?»
Macron, un président accessoire?
Une situation complexe et confuse, et qui n’a «pas du tout apporté la clarification prévue», pointe Luc Rouban. C’était en effet le but affiché du président lors de la dissolution surprise de l’Assemblée nationale. «Il a perdu la main, il n’est plus en mesure de contrôler l’organisation du paysage politique français.» Une perte d’influence, aussi, pour Macron qui «après avoir été un président vertical et concentré beaucoup de pouvoir va se retrouver dans une position accessoire. Cela va être un problème pour lui, au moins pendant un an, temps d’attente avant une éventuelle nouvelle dissolution».
Il se retrouve dans un dilemme. «Soit il laisse la main aux partis, soit il décide de jouer un rôle plus proactif en essayant de garder la main. Mais il a quand même perdu son pari. La dissolution a été reconnue par tous comme une erreur», explique Amandine Crespy
Qui à Matignon?
Jordan Bardella se voyait déjà à Matignon, ce ne sera pas le cas. Mais qui pour briguer le poste? Tout est flou, estime encore Luc Rouban, qui esquisse quelques pistes. «On peut penser à quelques personnalités comme François Ruffin, ou peut-être à un socialiste. Pourquoi pas François Hollande, mais est-ce qu’il serait soutenu par la gauche? Ce n’est pas évident, mais il se met en avant. (ndlr: il a précisé ne pas être candidat pour ce poste.) Cela étant, une fois la personnalité trouvée, il faut encore une majorité stable. Il est là, le vrai problème. Parce qu’en réalité, cela serait un gouvernement bâti sur des sables mouvants.»
C’est le point sur lequel il y a le moins de visibilité pour l’instant, confirme Amandine Crespy «Il est peu probable que tout le monde se mette d’accord sur le chef d’une des composantes du bloc de gauche. Il faudra peut-être aller chercher une figure d’ouverture, qui puisse faire consensus. Peut-être même quelqu’un issu de la société civile, comme le suggérait Marine Tondelier, la cheffe des écologistes.»
En attendant, le président français Emmanuel Macron a demandé à Gabriel Attal, venu lui présenter sa démission, de rester «pour le moment» afin d’assurer «la stabilité du pays».
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