Dans les coulisses du journalisme politique en France
Les ors de la République ont grisé Rachid Laïreche, ovni dans le milieu politique. Ses potes du quartier l’ont ramené à la raison.
Rachid Laïreche a été pendant huit ans, de début 2015 à fin 2022, journaliste au service politique de Libération. Un poste envié à la fois par la centralité de l’information politique en France et par la réputation de qualité du quotidien de gauche. Au contraire de la plupart de ses collègues, Rachid Laïreche n’était pas issu des «grandes» écoles de journalisme, ou autres. Il vient de Montreuil, commune de Seine-Saint-Denis, au nord-est de Paris, habitée par des populations moins favorisées, a commencé à Libé comme standardiste et «est arrivé en politique par effraction». Ceci explique sans doute, en partie, cela: le récit savoureux et caustique de ces années dans la bulle des journalistes politiques conté dans Il n’y a que moi que ça choque? (1).
Il faudra du temps pour que Rachid Laïreche perçoive que certaines pratiques de la presse posent question. Exalté de faire partie de ce cercle très fermé du journalisme politique national où il est en charge des partis de gauche, il s’y adonne à corps perdu les premières années. La bataille est rude. Des coups bas se perdent. Mais la fierté d’appartenir à une «caste privilégiée» rassemble et atténue les dissensions. Il n’est pas rare qu’un journaliste d’un média «de droite» passe dans un «de gauche» lors du mercato estival…
Lire aussi | En France, l’union à gauche sur le fil du rasoir
Les relations avec les politiques sont au cœur du métier. L’obsession, naturelle, de sortir l’info exclusive et de publier l’interview choc entraîne parfois des comportements déshonorables: accepter les exigences des services de communication d’un responsable politique (valorisation en Une du média, interdiction de recourir à une présentation négative…) pour obtenir un entretien, rédiger un article préjudiciable à un politique pour le «punir» d’avoir refilé un scoop à un concurrent, ou, en revanche, taire des infos négatives sur un autre parce qu’il est réputé ne pas être avare de confidences.
Pour Rachid Laïreche, c’est surtout la prise de conscience de ressasser les petites manœuvres politiciennes plutôt que de s’intéresser au fond des propositions et ainsi d’alimenter la défiance envers la politique, notamment chez ses potes du quartier, qui le fera renoncer et changer d’orientation. Son livre se veut un appel à une remise en question. Pas sûr qu’il sera entendu. Pour cela, il aura oublié un temps le conseil de son père qui lui disait: «Trouve-toi une petite place et reste tranquille.» Nous, on en est plutôt heureux.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici