Elimination du plomb de Notre-Dame: des équipes belges y ont contribué
Le parvis de Notre-Dame de Paris, désormais rouvert au public, a été dépollué grâce à un produit mis au point par une entreprise de Lokeren s’appuyant sur l’expertise de l’ULiège. Une collaboration Nord-Sud.
Même si la crise du coronavirus l’a fait passer à l’arrière-plan, la restauration de Notre-Dame de Paris, incendiée le 15 avril 2019, reste un enjeu majeur pour les amoureux du patrimoine. La réouverture en grande pompe du parvis de Notre-Dame, le dimanche 31 mai, est une première étape. Des équipes belges y ont participé.
Collaborateur scientifique de l’ULiège, Claude Husquinet est un spécialiste de l’utilisation des résines de synthèse pour la restauration d’éléments de bois et de pierre, surtout les charpentes anciennes, une discipline qu’il enseigne à la Paix-Dieu, le Centre wallon des métiers du patrimoine (Amay). Toutefois, il a passé l’essentiel de sa carrière de chimiste dans la construction (génie civil, bâtiment, industrie), grande consommatrice de matériaux composites. L’un de ses derniers chantiers fut le renforcement des structures des anciens bains liégeois de la Sauvenière (Cité Miroir), à Liège, au moyen de bétons ultraperformants. C’est là qu’il fait la connaissance de Herman Van Damme, fondateur de l’entreprise Hevadex (Lokeren), spécialisée dans le développement et la production de membranes étanches à l’air et à l’eau. Il en devient le conseiller scientifique.
Ce produit a la consistance du latex. Grâce à une technologie avancée des tensioactifs, il enrobe et phagocyte les polluants.
Après l’incendie de Notre-Dame, Herman Van Damme et Claude Husquinet activent leurs complémentarités pour proposer à la Ville de Paris un produit qui va permettre de nettoyer les quelque 5 000 mètres carrés du parvis de Notre-Dame sali par les retombées de suie et de particules de plomb. Le Ezy-Net existe déjà, mais son efficacité dans le cadre d’une pollution au plomb doit encore être validée scientifiquement. Hevadex et son applicateur français vont remporter la commande. Les travaux ont commencé fin 2019.
Une grande partie des 400 tonnes de plomb qui recouvraient les charpentes de Notre-Dame a fondu pendant l’incendie de la nuit du 15 au 16 avril. D’énormes quantités de particules se sont disséminées dans l’air et déposées sur les surfaces avoisinantes, à des doses dangereuses pour la santé humaine. L’opération de dépollution devenait prioritaire, avant de procéder aux travaux à l’intérieur de la cathédrale. L’eau était exclue, car elle aurait engendré des dégâts supérieurs au feu en dispersant les polluants dans les égouts ou la Seine. » La demande nous est parvenue et nous avons voulu évaluer de façon précise et analytique l’efficacité du système Ezy-Net sur la fixation des poussières de plomb, décrit Claude Husquinet. Ce produit qui a la consistance du latex se pose sur les surfaces polluées au pistolet ou à la brosse. Grâce à une technologie avancée des tensio- actifs, la membrane en formation enrobe et phagocyte les polluants. Nous l’avons testée dans le laboratoire d’essai au feu de l’université de Liège, un grand bâtiment en béton armé complètement noirci par la suie de trente années de tests. Le résultat a été particulièrement impressionnant et nous a donné confiance dans le principe du phagocytage des polluants. Au bout de quelques jours, la pellicule avait incorporé jusqu’à 96 % des suies. »
Toujours à Liège, l’expertise d’analyse du GeMMe (Minerals Engineering, Materials and Environment Research Group) a permis de calculer la proportion de particules enlevées par ce procédé à sec. Le département UEE (Urban and Environmental Engineering) a, lui, calculé les caractéristiques mécaniques du film sec » vulcanisé « , c’est-à-dire son élasticité.
Après intervention, les déchets toxiques emprisonnés par le Ezy-Net ont pu être » détachés » du parvis de Notre-Dame et envoyés en décharge contrôlée. Le procédé a également été utilisé à proximité pour nettoyer des quais de gare et autres structures. Au final, une success story dont les aspects liégeois sont peu connus du grand public. » Depuis l’incendie de l’Innovation à Bruxelles, en 1967, les ingénieurs belges ont développé une sensibilité particulière au feu, l’équivalent des tests de résistance sismique pour les Italiens « , glisse Claude Husquinet.
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