Élections présidentielles françaises: jusqu’ici tout va bien pour Macron
Emmanuel Macron sort de l’été conforté dans ses choix sur la stratégie sanitaire et armé pour affronter la campagne présidentielle. La foire d’empoigne des candidatures à droite et à l’extrême droite sert ses intérêts. Mais l’issue de la course reste très incertaine.
Alors qu’en France Arnaud Montebourg s’est déclaré candidat à la présidentielle, l’air du temps, en cette période de rentrée politique, propage une fragrance plutôt de nature à plaire à Emmanuel Macron. S’il faut en croire le sondage mensuel Ifop – Le Journal du dimanche de la fin du mois d’août, 41% des Français se disent satisfaits de l’action du président français. C’est trois points de plus que lors de la précédente étude. Cette progression semble lui accorder crédit d’avoir pris des mesures énergiques pendant l’été pour booster la vaccination. Malgré la mobilisation hebdomadaire des anti-pass sanitaire et des antivax, malgré la guerre entre gangs de dealers marseillais qui a remis la sécurité au sommet de l’agenda, malgré ou à cause de la multiplication des candidatures sur la droite de l’échiquier, Emmanuel Macron n’a pas trop de mouron à se faire à ce stade en prévision de l’élection présidentielle d’avril 2022. Pour paraphraser un jugement porté sur son prédécesseur François Hollande (1), jusqu’ici tout va bien.
La droite désunie
A huit mois de la présidentielle, la droite républicaine cherche toujours la formule pour éviter une double candidature. Deux personnalités et deux doctrines s’opposent. Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ex-membre des Républicains, continue à faire cavalier seul, fort de sa réélection aux régionales de juin dernier. Pour lui, quoi qu’il arrive, il n’est pas question de participer à une primaire de la droite. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, tout aussi ragaillardie par son succès au scrutin de juin, joue, elle, la carte du collectif et appelle à la tenue d’un départage des candidatures de droite, même si elle aussi a quitté le parti Les Républicains sous l’égide duquel il serait organisé. Elle y voit une occasion de légitimer sa candidature à l’Elysée.
A huit mois de la présidentielle, la droite républicaine cherche toujours la formule pour éviter une double candidature.
Sauf qu’avec le renoncement de candidats putatifs comme le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, ou le sénateur Bruno Retailleau, la compétition perd un peu de son attrait et de son pouvoir de consécration. A ce stade, cinq prétendants de la sphère républicaine y participeraient: outre Valérie Pécresse, l’ancien commissaire européen et négociateur du Brexit Michel Barnier, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, le maire médecin de La Garenne-Colombes Philippe Juvin, et l’entrepreneur Denis Payre. Face à cet imbroglio, d’aucuns pensent que la sagesse voudrait que ce soit en définitive l’état de l’opinion publique à un moment donné qui tranche entre les deux candidatures potentielles. Il n’est donc pas innocent que Valérie Pécresse ait laissé circuler les résultats d’un sondage, commandé par son équipe et réalisé entre les 20 et 23 août, qui la rapproche, dans les intentions de vote pour 2022, d’un certain Xavier Bertrand (16% pour ce dernier contre 13% pour elle) alors qu’il faisait largement la course en tête depuis l’annonce de sa candidature. Bref, la foire d’empoigne au sein de la droite que certains ont qualifiée jadis de « plus bête du monde » n’est pas près d’être close, ce qui ne peut que réjouir dans les bureaux de l’Elysée.
Et si Zemmour…
Qui plus est, une dernière candidature pourrait venir parachever l’implosion de ce spectre élargi de l’échiquier politique. Si elle était confirmée, celle du polémiste de la droite radicale Eric Zemmour, dont la parution du nouveau livre La France n’a pas dit son dernier mot est prévue le 16 septembre, viendrait réduire un peu plus encore l’espace vital des Républicains. Plus que le Rassemblement national de Marine Le Pen qui s’en trouverait malgré tout affaibli, ce sont ceux-ci que pénaliseraient avant tout les quelque 7% promis, à ce stade selon les sondages prévisionnels, au chroniqueur de C-News.
A la droite de la droite, on fait du reste flèche de tout bois pour s’extraire du lot des candidatures symboliques. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Florian Philippot (Les Patriotes), un ancien allié et un ex-compagnon de route de Marine Le Pen, se sont beaucoup investis depuis l’été dans la mobilisation contre le pass sanitaire, qui s’est traduite par une succession de manifestations le samedi. Un opportunisme qui a fait dire non sans raison à une porte-parole du parti La République en marche (LREM) que ces dirigeants essayaient de « se refaire une santé politique sur la santé des citoyens ».
Nouvelles manifs du samedi
Au milieu de l’été, rassemblant parfois plus de 200 000 personnes, ces défilés organisés dans plusieurs villes de France pouvaient faire craindre une rentrée agitée à Emmanuel Macron. Bien qu’elle ne soit pas totalement écartée (un grand raout est annoncé pour le 4 septembre), cette perspective s’est quelque peu éloignée au gré des rendez-vous. Les deux derniers ont enregistré des affluences moindres (selon les chiffres de la police, 160 000 le 28 août et 175 500 le 21 contre 215 000 le 14 août, 237 000 le 7 et 204 000 le 31 juillet). La composition des assistances est fort hétéroclite, entre opposants au pass sanitaire au nom des libertés et antivax rabiques, entre militants d’extrême droite et d’extrême gauche, entre sceptiques envers les recommandations scientifiques et détracteurs obtus de la macronie. Et la contestation n’a pas suivi la courbe exponentielle du mouvement des gilets jaunes avec lequel elle ne se confond pas. Ainsi, le soutien de l’opinion publique est nettement plus restreint que celui qui prévalait à l’égard des protestataires des ronds-points. Et en définitive, ce sont les Français vaccinés qui semblent démentir la pertinence du combat des marcheurs du samedi. Sur ce point, force est de reconnaître qu’Emmanuel Macron a réussi son coup.
Les Français vaccinés semblent démentir la pertinence du combat des marcheurs antivax et anti-pass sanitaire du samedi.
Le 12 juillet, dans une allocution suivant les rites de la « monarchie républicaine », Emmanuel Macron annonce l’instauration d’un pass sanitaire obligatoire pour accéder aux cinémas, aux restaurants et jusqu’aux terrasses des bistrots, et, parallèlement, le renforcement des infrastructures de vaccination. Ni une ni deux, les Français prennent des rendez-vous en masse et le meilleur moyen de se prémunir contre le virus connaît un impressionnant regain d’intérêt. Résultat: la France qui avait été moquée pour sa lenteur aux premières semaines de la campagne de vaccination passe à la fin de l’été dans le peloton de tête des pays européens dans le domaine. En ce début septembre, l’objectif que s’était fixé le gouvernement de Jean Castex est atteint: 50 millions de citoyens sont primovaccinés. Malgré des niveaux d’infection inquiétants en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et en Polynésie, Emmanuel Macron peut se targuer d’un succès inespéré et sort de l’été conforté dans ses choix stratégiques.
La sécurité, talon d’Achille?
Mais l’été a aussi été meurtrier. Singulièrement à Marseille. Dans la nuit du 21 au 22 août, deux hommes de 25 et 26 ans sont tués par les tirs d’un commando embarqué à bord de deux voitures. Quelques heures plus tard, le corps calciné d’un troisième, âgé de 27 ans, est retrouvé dans un autre coin de la métropole. Le 18 août, c’est un gamin de 14 ans qui était assassiné et un compagnon du même âge blessé à la suite d’une fusillade dans les quartiers nord. Les services policiers relient ces meurtres à la guerre des gangs de trafiquants de drogue pour le contrôle de territoires de revente des stupéfiants. Depuis le début de l’année, quinze décès ont été attribués à cette problématique.
Le thème ouvre un boulevard aux dirigeants de droite et d’extrême droite pour fustiger le laxisme du gouvernement et du président, traditionnellement critiqué sur les questions régaliennes dont plusieurs experts analysent que c’est un point faible de sa politique depuis son accession à l’Elysée. Donc, l’homme tente de « se corriger ». Il a nommé un « dur » au ministère de l’Intérieur en la personne de Gérald Darmanin. Et sur le dossier marseillais, campagne électorale oblige aussi, il n’a pas tardé à réagir en présentant, ce 2 septembre, le plan « Marseille en grand » qui ambitionne, à travers des actions dans le domaine de la sécurité, des transports, de la santé et de l’éducation, de donner un nouveau souffle à la lutte contre la paupérisation et la criminalité dans la cité phocéenne. Tournant ou écran de fumée? Il est trop tôt pour le dire.
Il n’est pas davantage acquis que cette réaction puisse empêcher la droite et l’extrême droite d’orienter la campagne présidentielle sur le terrain de la sécurité et de fragiliser à terme Emmanuel Macron. Pour l’heure, le président continue de « bénéficier », en popularité, de la gestion de la crise sanitaire. Mais elle est loin d’être finie, comme la course à l’Elysée est loin d’être jouée.
(1) En référence au livre Jusqu’ici tout va mal, de Cécile Amar, paru en 2014 (Grasset, 288 p.)
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