Didier Raoult, star de la science devenu un roi soleil controversé
Une enquête du New York Times illustre comment le microbiologiste marseillais, qui s’est forgé une notoriété planétaire avec le coronavirus, a toujours voulu marcher hors des sentiers battus. Pour le meilleur ou pour le pire.
Didier Raoult restera l’un des visages controversés de cette crise du coronavirus. Le microbiologiste, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée à Marseille, a généré des espoirs – largement déçus – et nourri bien des théories complotistes avec sa thèse selon laquelle un médicament pour la malaria, l’hydroxychloroquine, serait un remède miracle contre le virus. L’homme eu l’oreille des grands de ce monde : le président français Emmanuel Macron lui a rendu visite et son homologue américain Donald Trump, prêt à relayer toute rumeur, a donné écho à son traitement. Depuis, les expériences cliniques ont fortement réduit l’opportunité de son propos.
Le New York Times lui consacre ce mardi une enquête dont le titre annonce la couleur : « C’était une star de la science. Puis il a fait la promotion d’un remède douteux contre le coronavirus ».
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Intéressant portrait du Dr Raoult par le Times :
L’article montre comment son approche de franc-tireur a pu donner des résultats par le passé mais se révèle dangereuse aujourd’hui https://t.co/hVFpAyx35q
— Charles Voisin (@charlesvoisin) May 12, 2020
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Le quotidien évoque le caractère particulier de ce microbiologiste persuadé qu’il peut échapper aux règles méthodologiques qui encadrent la recherche scientifique et qui castre la créativité médicale. « L’orgueil, disait-il récemment à l’auteur de l’article, est la chose la plus commune dans le monde. » Or, il n’en est pas dépourvu et cela s’avère dangereux pour ceux qui ont droit de vie ou de mort sur leurs patients.
Didier Raoult a fait une magnifique carrière en sortant des sentiers battus. « Il n’y a rien de tel que d’exploser une théorie qui a été joliment établie », dit-il. En usant de cette créativité, il a obtenu des résultats impressionnants, découvrant 500 nouvelles espèces de bactéries pathogènes pour l’être humain, à peu près un cinquième de celles qui ont été décrites à ce jour, ou un virus géant lui octroyant des distinctions scientifiques. Voilà qui l’amène à remettre en question l’arbre de la vie de Darwin et à considérer que la science mérite un combat perpétuel.
« C’est dans cet esprit qu’il a fait la promotion, contre l’avis de ses pairs », d’une combinaison de l’hydroxychloroquine et de l’azytromicine pour lutter contre le Covid-19. Le quotidien rappelle les pays qui se battent pour encourager le traitement, ces files devant l’institut marseillais ou encore une étude clinique évoquant 100% de guérison. Depuis, la roue a tourné et des politiques lui demandent de se taire ou de cesser de proclamer qu’il est un génie. Le généticien Axel Kahn souligne combien le marseillais est fier de ce qu’il est : « Une des caractéristiques dominantes du professeur Raoult est d’être convaincu qu’il est très bon. Il considère que tous les autres ont moins de valeur. Cela a toujours été le cas, ce n’est pas un développement récent. »
Didier Raoult profiterait de sa notoriété récente, même s’il prétend le contraire. Il voit le monde comme un théâtre dont il est une vedette. Seuls ses patients le jugent. Et le temps. Interrogés par le New York Times, certains d’entre eux disent tout simplement qu’ils savent que ce traitement est efficace, point. L’enquête du quotidien décrit encore un homme convaincu des vertus de ce médicament depuis longtemps, désireux d’ajouter sa signature à de nombreuses études scientifiques, entouré d’un clan ou tyrannique par moments avec ses collaborateurs. Sûr de son fait, il dénonce les modèles mathématiques des épidémiologistes, minimise les effets des épidémies – jusque dans son dernier livre publié en mars – ou remet en cause les théories climatiques.
L’homme est intrépide, multiplie les études douteuses, reste certain que l’on ne pourra jamais vraiment prouver le caractère incongru de son remède miracle et dénonce les ‘fake news’, accusant ses détracteurs d’être des « enfants ». C’est un scientifique vedette d’une époque où les repères vacillent, conscient d’incarner une sorte de roi soleil qui ose avancer de nouvelles théories, là où les autres se perdent en conjectures. Quitte à entrainer avec lui des centaines de milliers de gens sur des pistes dangereuses. Voilà l’image véhculée par cette enquête qui suscite au moins la réflexion.
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