Derrière un vin, il y a une femme. La preuve par Mylène Bru
Derrière une bouteille de vin, il y a une histoire et de plus en plus souvent une femme. Vigneronnes, tombées dans la cuve petite ou en amour plus tard, elles ont une multitude de profils passionnants. Qu’est-ce qui les motive ? Au fil de l’été, nous partons à la découverte de sept d’entre elles.
Elle a un rire qui éclate soudain, comme l’eau vive qui dévale de la montagne. Mylène est une » nature « . Vous savez, ces personnages un peu plus grands que la vie qui vous emmènent immédiatement dans leur sillage ? L’entendre causer, c’est être propulsé dans sa garrigue : devant nous ondulent les genêts, les chênes kermès, le romarin, les cistes et l’on entend le vent qui bruisse. Mylène Bru est une jeune vigneronne, installée ici depuis dix ans, à peine.
Avant ? Une autre vie où elle avait peut-être perdu l’ivresse de la liberté. Alors, en 2008, elle vire de bord de façon radicale, achète un lopin de terre et décide de s’installer seule : » J’ai sauté dans le vide, je voulais couper complètement. J’en ai eu des sueurs froides : devenir vigneronne, c’était un challenge et puis j’ai démarré sur quatre hectares, sans eau, sans électricité. Je me suis laissée guider par ce pays sauvage. » Même pas besoin d’en appeler à Sainte Rita, Mylène a su tracer sa voie et faire ce qui lui plaisait.
Ce qui lui parlait, au fond des tripes : revenir à sa garrigue si chère où, petite, elle passait des heures à se balader, végétation griffant les jambes et les bois où elle construisait des cabanes. Les vins se sont construits avec elle : s’ils disent le lieu d’où ils viennent, chantent les odeurs, le pollen, le souffle d’air du printemps, ils ressemblent énormément à leur conceptrice. » Faire du vin est une ascèse « , dit-elle. On élève des enfants comme on élève du vin, on en prend soin. Sur la langue perle la douce saveur des souvenirs : cette goutte de jurançon dans la limonade, dès ses 5 ans puis, plus tard, le vin de ses grands-parents.
Noir d’encre, très puissant, en macération carbonique, pas dégazé, il s’accordait avec la cuisine riche des mémés chéries, cassoulets et daubes. Ses vins à elle n’ont pas pris ces accents-là, question de style, de génération aussi. On se régale de son rare rosé de Pioch : des notes presque entêtantes d’aubépine, un peu de rose ancienne, surannée. Puis la bouche vive, volubile, où le fruit se fait éclatant, où la fraîcheur ravit avant de s’épanouir en un baiser de cinéma langoureux. Clap de fin, coucher de soleil sur le Far West : son western a une fin heureuse.
En septante-cinq centilitres, Mylène parvient à installer un décor, recréer des sensations et narrer une histoire. Pour cette fan de cinoche, c’est plutôt bien joué. Et tout cela, sans se la raconter : même si son vin est apprécié partout – y compris par une icône féminine du cinéma français mais chut, nous ne révélerons rien – Lady Chasselas conserve l’élégance des plus grandes : la simplicité. C’est probablement pour cela qu’elle fait tourner les Moulins de mon coeur.
Rosé du Pioch 2017, Domaine Mylène Bru Le Fon de Lacan, Saint Pargoire.
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