Demain, quel vin ? On n’a pas fini de trinquer !
Il existe de nombreuses pistes pour continuer à produire du vin à l’avenir. A la cave ou à la vigne, il est possible de se préparer dès maintenant aux changements qu’induisent les désordres climatiques.
En France, le projet Laccave, porté par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), lancé en mars 2012, a déjà permis de faire le point sur les principaux effets du changement climatique sur la vigne et le vin, et sur les stratégies d’adaptation à adopter. Réunissant des experts de l’Inra, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et universités, mais aussi des représentants d’organismes publics du secteur (FranceAgriMer, Inao/Institut national de l’origine et de la qualité), il se base sur la pluridisciplinarité pour dessiner et préciser les impacts des dérèglements climatiques mais aussi tenter d’y apporter des solutions. Economistes, sociologues, géographes, agronomes, climatologues, spécialistes de l’écophysiologie, de la génétique, des pathologies végétales… Ensemble, ils ont présenté en 2016 une synthèse de leurs travaux qui privilégient une approche prospective, en partant d’un scénario climatique » médian » pour 2050. Après numérisation et modélisation des vignobles, et en tenant compte d’une hausse moyenne des températures, ils ont élaboré quatre stratégies d’adaptation.
Les vins hybrides comme réponse aux changements climatiques ?
La première, dite » conservatrice « , verrait un désengagement politique envers la filière vin, incapable d’avoir pu proposer de vrais changements. La viticulture reculerait : les AOP (Appellations d’origine protégée) parviendraient à tirer leur épingle du jeu à grand-peine. Le reste de la production s’essoufflerait, avec une baisse drastique de la consommation.
Un deuxième scénario voit l’innovation comme solution : réduction des degrés alcooliques, des pesticides et des allergènes en produisant des vins de plus en plus technologiques au détriment, peut-être, de leur personnalité.
La stratégie nomade, elle, consisterait à chercher d’autres terroirs, en descendant en plaine trouver de l’eau, et en libérant les droits de plantations. Le risque, c’est de perdre toute notion liée à la culture du vin.
La dernière de ces stratégies est l’option libérale : on verrait la vigne quitter les coteaux – à l’exception de quelques spots hautement qualitatifs et dont les prix des vins s’envoleront – et envahir les zones plus faciles d’accès avec probablement des cépages différents, variétés anciennes ou nouvelles, plus résistantes.
Ces cépages pourraient être les hybrides. Bien connus en Belgique, ils ont trouvé en Philippe Grafé un fin connaisseur et leur ardent défenseur. Le fondateur du domaine du Chenoy, à Emines, a cru dès ses débuts à ces cépages nés de croisements entre divers plants de vitis vinifera, variété dite » européenne » et plants américains. L’Allemagne, dont la plupart sont originaires, et la Suisse en comptent pas mal d’hectares. En France, l’accueil est plus frileux, et ils rencontrent parfois une certaine résistance. Lilian Bauchet est viticulteur en Beaujolais : il a fait le choix de cultiver à côté de ses classiques gamays deux espèces d’hybrides (le souvignier gris et le muscaris). Pour lui, choisir des hybrides est une réponse aux changements climatiques : » Une parmi d’autres. Il y a bien sûr les actions sur le vignoble lui-même : choisir par exemple de relever les vignes ( NDLR : Jean-Claude Rateau, en Bourgogne, s’essaie à la vigne en lyre) pour à la fois limiter les impacts du gel, et ceux des fortes chaleurs. Le choix de planter des hybrides est avant tout pour moi une envie d’apporter une réponse écologique : ils nécessitent moins de traitements, sont faciles à conduire, et avec une plantation peu dense permettent un enherbement total, par exemple, ce qui donne un travail à la vigne assez peu impactant. Je crois que c’est aussi une demande du consommateur, d’avoir des vins plus sains. »
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