De l’Empire au Brexit: quand les îles britanniques se réunissaient
Le Royaume-Uni est aujourd’hui un seul Etat, mais cela n’a pas toujours été le cas. Il est né, voici des siècles, de la réunion d’entités plus ou moins indépendantes. Lorsque les Britanniques ont commencé à conquérir le monde au XVIIe siècle, les relations entre ces entités se sont modifiées à plusieurs reprises.
Sur le plan géographique, les îles Britanniques sont une unité composée de deux îles (la Grande-Bretagne et l’Irlande) et qui comporte deux Etats : le Royaume-Uni (qui compte l’Angleterre, le pays de Galles et l’Irlande du Nord) et la république d’Irlande. Entre 1801 et 1919, les îles Britanniques dans leur ensemble ont formé un seul Etat, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande.
Une interaction intense s’est établie depuis des siècles entre les îles et le continent européen. Ces liens se sont formellement resserrés quand le Royaume-Uni et la république d’Irlande sont devenus membres de l’Union européenne en 1973. Pour le Royaume-Uni, le Brexit met fin à cette union formelle. Dans les diverses régions des îles, les relations internes se sont également modifi ées sensiblement avec le temps. Les périodes de collaboration et de séparation, de paix et de guerre se sont succédé.
Trois royaumes et une Principauté
Le royaume d’Angleterre et la seigneurie d’Irlande ont formé, dès le XIIe siècle, une union personnelle : Etats indépendants, ils partageaient néanmoins un même monarque, à savoir le roi d’Angleterre. L’Irlande n’est devenue un royaume qu’en 1541, quand cela plut au roi d’Angleterre de l’époque, Henry VIII. Comme le roi d’Angleterre devait au pape catholique ses droits seigneuriaux sur l’Irlande et que Henry VIII avait rompu les liens avec l’Eglise catholique, il se mit en quête d’une façon habile de ne pas perdre l’Irlande. En faisant de l’Irlande un royaume et en se faisant nommer roi par le Parlement irlandais, il veilla à ce que l’Eglise ne puisse plus lui dénier ses droits.
Au Moyen Age, le pays de Galles se composait de plusieurs principautés. Dès 1216, il devint une principauté reconnue comme telle par le roi d’Angleterre mais à la fin du XIIIe siècle, celui-ci prit le pouvoir sur la principauté. A partir de 1301, c’est l’héritier de la couronne d’Angleterre qui porterait le titre de prince de Galles. S’il devenait roi, son titre reviendrait au prochain héritier de la couronne. En 1536, le pays de Galles fut entièrement intégré dans le royaume d’Angleterre.
Au nord de la Grande-Bretagne se situait le royaume d’Ecosse. Au Moyen Age, les rois d’Angleterre auraient également aimé y prendre le pouvoir. Des guerres furent menées et des plans de mariage échafaudés, mais en vain. Quand Elisabeth, reine d’Angleterre, mourut sans progéniture, le petit-fils de son neveu lui succéda sur le trône. Comme il s’agissait précisément de Jacques VI, roi d’Ecosse, c’est le monarque écossais qui se retrouva à la tête de l’Angleterre. De ce fait, l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande furent réunies sous une seule tête à partir de 1603.
L’unification de la Grande-Bretagne
A partir du XVIe siècle, il fut souvent question d’une association entre l’Ecosse et l’Angleterre. Vers 1548, on donna même un nom à cette unification en devenir : la Grande-Bretagne. Quand, en 1603, Jacques VI d’Ecosse hérita des deux principautés et devint Jacques Ier d’Angleterre, il s’attela aussitôt à la réalisation d’une unification durable.
1603 – Jacques, Roi de Grande-Bretagne
Le roi Jacques voulait que l’Angleterre et l’Ecosse fussent davantage que deux royaumes qui, au même titre que l’Irlande, seraient sous son pouvoir » par hasard « . Il prit dès lors des initiatives pour rassembler les deux pays. Il introduisit une monnaie nouvelle, commune à l’Angleterre et à l’Ecosse. En 1606, il instaura un drapeau commun. Les drapeaux anglais et écossais continueraient d’exister, mais tous les bateaux britanniques devaient arborer le nouveau drapeau sur leur grand mât.
Autre initiative importante : l’introduction d’un nouveau nom pour l’union. Le roi Jacques voulait être dénommé » roi de Grande-Bretagne « . Avec, pour argument, que les noms » Angleterre » et » Ecosse » rappelaient trop vivement les nombreux conflits entre les deux peuples, un passé douloureux qui se mettrait en travers de l’unification. Comme le Parlement ne le suivait pas, Jacques décida unilatéralement qu’il porterait désormais le titre de » roi de Grande-Bretagne, de France et d’Irlande « . Cette proclamation unilatérale se heurta cependant à des obstacles, tant pratiques que juridiques : sous l’angle juridique en effet, le royaume de Grande-Bretagne n’existait pas, et Jacques se proclamait donc roi d’un pays inexistant. Les rois suivants n’ont pas utilisé ce titre et cette dénomination n’a été officiellement adoptée qu’en 1707.
Les îles britanniques associées au Commonwealth d’Angleterre
Sous le fils de Jacques, le roi Charles 1er, les îles Britanniques connaissent une décennie agitée. En Ecosse et en Irlande, on se bat sur des questions de religion alors qu’en Angleterre, le Parlement veut restreindre le pouvoir du roi. La guerre éclate en 1639 et, en 1642, le Parlement lève même une armée. Pendant des années, ce sont alors de rudes combats entre les armées parlementaire et royale.
Dans un premier temps, la monarchie mord la poussière. Le roi Charles Ier est décapité en 1649 et le Parlement abolit la monarchie. Le royaume d’Angleterre devient le Commonwealth d’Angleterre dirigé par le » parlement croupion « , le Parlement anglais dont ont été exclus les partisans de la monarchie. L’Irlande et l’Ecosse sont alors ajoutées au Commonwealth et, en 1654, le Parlement représente ainsi à Westminster – pour la première fois de son histoire – l’entièreté des îles Britanniques.
En 1653, Oliver Cromwell prend le pouvoir dans la République. En tant que dirigeant de l’armée parlementaire, il avait joué un rôle déterminant dans la victoire sur le roi Charles 1er. Cela lui avait donné beaucoup de crédit et lui avait valu de porter le titre de Lord Protector, ou régent, et de tenir les rênes du pays. Après sa mort en 1658, l’ancien Parlement revient en place et demande au fils de Charles de devenir roi. Après une décennie à peine, la monarchie est de retour.
Ce retour de la monarchie ne signifie pas pour autant le retour durable au calme. Sous Jacques II, dans les années 1680, les problèmes reprennent. Jacques est catholique et soupçonné de vouloir installer une monarchie absolue et catholique. L’opposition contre ses prérogatives est grande et donne naissance à la Glorieuse Révolution. La princesse Mary, fille de Jacques et protestante, et son mari néerlandais, le prince Guillaume d’Orange-Nassau, manoeuvrent pour qu’elle succède à son père, de manière à redonner une souveraine protestante aux Anglais. Nombreux sont les partisans de ce plan dans les rangs de la noblesse. A la demande de Guillaume, ils lui envoient en 1688 une invitation formelle à venir en Angleterre avec une armée et à devenir roi. Jacques II s’enfuit en France et le nouveau couple royal est couronné au printemps 1689.
Acts of Union : l’unification avec l’Ecosse (1707) et l’Irlande (1801)
A l’époque de la Glorieuse Révolution, pour des raisons tant économiques que religieuses et politiques, l’idée de réunir l’Angleterre et l’Ecosse germe une fois de plus au Parlement écossais. Cette proposition obtient aussitôt le support du nouveau roi. En effet, un royaume uni lui permettrait d’être plus fort, au cas où Jacques II tenterait de revenir de France. Des représentants des Parlements écossais et anglais se concertent à plusieurs reprises sur cette question, mais ce n’est qu’au début de 1700 que de véritables négociations sont entamées. Malgré de nombreuses dissensions, les deux parties trouvent un accord. Du fait de l’unification, le Parlement écossais est aboli et le Parlement anglais transformé en parlement britannique. Le 1er mai 1707, les royaumes d’Angleterre et d’Ecosse laissent la place au royaume de Grande-Bretagne.
Un siècle plus tard à peine, c’est une nouvelle unification qui voit le jour : celle qui réunit les royaumes de Grande-Bretagne et d’Irlande. L’Irlande était alors un royaume indépendant doté de son propre parlement, mais il avait peu de pouvoirs. C’est le roi britannique qui, par le biais de son gouverneur (britannique et protestant), tenait les rênes de l’Irlande. La plus grande partie de la population irlandaise était catholique, et les catholiques avaient peu de droits en Irlande. De ce fait, les soulèvements contre la domination britannique (protestante) étaient fréquents et cette agitation n’était pas du goût des Britanniques. Il faut dire que la Grande-Bretagne, en guerre avec la France de Napoléon, avait d’autres chats à fouetter.
A l’analyse de documents émanant des services secrets, il apparaît que les autorités britanniques n’ont pas lésiné sur les moyens pour convaincre les Irlandais de voter en faveur de l’unification. Des dizaines de milliers de livres ont été dépensées en pots-de-vin et autres formes de corruption. Le Premier ministre anglais William Pitt fit aussi entendre au cours des négociations que les catholiques recevraient plus de droits. Sa proposition de permettre aux catholiques d’accéder au Parlement – un droit dont ils ne disposaient pas dans le royaume irlandais – se heurta après l’unification à un veto du roi George III. Pitt démissionna et les catholiques durent attendre 1829 pour pouvoir siéger au Parlement.
L’Irlande indépendante
Les îles Britanniques ne restèrent pas réunies dans un même et seul Etat. Beaucoup d’Irlandais se considéraient comme une colonie réprimée et exploitée plutôt que comme membre à part entière du royaume britannique. Après des années de troubles et de soulèvements armés, la plus grande partie de l’Irlande devint indépendante en 1921. L’Irlande du Nord restait britannique. L’Etat libre d’Irlande continua cependant jusqu’en 1949 à faire partie du Commonwealth of Nations, une association entre le Royaume-Uni et ses (anciennes) colonies et territoires sous mandat.
Les dynasties britanniques et leurs liens avec l’Europe
Parmi les maisons royales britanniques qui se sont succédé depuis le XIe siècle, nombreuses étaient celles qui trouvaient entièrement ou partiellement leurs racines sur le continent européen. Même si les rois se consacraient pleinement à leurs affaires intestines, ils ne cessèrent jamais de se préoccuper du continent.
Après la bataille de Hastings en 1066, Guillaume le Conquérant s’empare du trône. Duc de Normandie, il occupe aussi Le Mans. A la cour anglaise et au Parlement, on parle désormais le français (de l’époque). Suite à une série de mariages, les rois normands nouent des liens avec l’empereur du Saint-Empire romain et obtiennent de nouveaux territoires en France.
En 1399, Henry IV est le premier roi britannique à prononcer de nouveau un discours en anglais. Cette dynastie s’intéressait pourtant de très près à la France. Les rois de la maison de Lancastre poursuivent la guerre de Cent Ans (1337-1453), un conflit par lequel l’Angleterre cherchait à s’emparer du trône français. En 1422, alors qu’il n’avait pas encore un an, le roi anglais Henry VI devient roi d’Angleterre et de France. Bien que l’Angleterre ait définitivement perdu la guerre, les rois d’Angleterre continueront à se parer du titre de » roi de France » jusqu’en 1801.
En tant que » stadhouder « , le Néerlandais Guillaume III d’Orange gouverne une grande partie de la république des sept Provinces-Unies des Pays-Bas. Après la Glorieuse Révolution, il devint en outre, en 1689, roi d’Angleterre. Sous Guillaume III, l’Angleterre et la République des Pays-Bas deviennent des alliés dans le cadre de leur lutte commune contre la France.
Les membres de cette Maison sont les descendants de la reine Victoria (qui a régné de 1837 à 1901) et de son mari le prince Albert de Saxe-Cobourg et Gotha. Victoria concocte pour ses enfants et petits-enfants des mariages avec des membres d’autres familles royales. C’est ainsi que lors de la Première Guerre mondiale, le monarque britannique est un neveu de l’empereur allemand et un arrière-neveu de la tsarine de Russie. Et l’oncle de Victoria est Léopold Ier de Belgique. Pendant la Première Guerre mondiale, le roi Georges V modifie son nom de famille en Windsor, la maison qui porte aujourd’hui la couronne britannique.
Par Véronique Van Humskerke.
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