Franklin Dehousse
Commission von der Leyen, 2 ans déjà (chronique)
Il faudra que la présidente de la Commission améliore la qualité de son jeu, sinon…
De crise en crise, le temps passe vite, et on en oublierait presque que la Commission von der Leyen fonctionne depuis deux ans. Que peut-on retirer de ces deux années? Il faut d’abord rappeler que la présidence de la Commission constitue une fonction très difficile. Dans l’histoire de l’institution, il y a eu nettement plus de présidents médiocres que brillants. En contrepartie, la fonction bénéficie d’une série d’avantages: de nombreux pouvoirs (bien plus nombreux que naguère), une forte capacité d’analyse, et un service d’information puissant.
Dans ce contexte, Ursula von der Leyen a fait naître beaucoup d’espoirs: première femme à la tête de la Commission, émanant d’un grand pays sur lequel elle pouvait compter, présentation cosmopolite. Ces espoirs ont été en bonne partie déçus. Il suffit d’observer la trajectoire de Christine Lagarde, première femme à la tête de la Banque centrale européenne, pour s’en convaincre. Après une erreur de démarrage, Christine Lagarde n’a quasiment pas commis de faute jusqu’ici, alors que la crise sollicite la BCE comme la Commission. Elle disposait d’une expérience de gestion nettement plus impressionnante, comme ministre française des Finances dans la crise financière puis au Fonds monétaire international, et cela se sent.
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Ursula von der Leyen semble moins dévoreuse de dossiers (sauf pour la Covid, où sa formation médicale offre une réelle plus-value). Au Conseil européen, cela importe. Elle semble aussi une « control freak », volontiers repliée derrière son cabinet, pareil à un bunker trop allemand. Cette couleur fort nationale constitue, en plus, une erreur, dont le changement de gouvernement à Berlin aggravera le poids. Le collège des commissaires apparaît peu en tant que tel. C’est regrettable car la Commission bénéficie au moins d’une série de vice-présidents solides (Frans Timmermans, Margrethe Vestager, Valdis Dombrovskis, Maro¨ ¦ef?ovi?, V?ra Jourová, auxquels il faut ajouter Thierry Breton, révélation tombée par hasard). Les gouvernements ont eu la grâce de lui laisser une série de personnes déjà éprouvées, autre réelle plus-value. De plus, pour quelqu’un qui a toujours défendu des convictions européennes, la vision semble manquer chez la présidente. Le sens prospectif semble même avoir disparu de l’institution (cf. la pénible panade tutti frutti servie à la Conférence sur l’avenir de l’Europe). Les discours se succèdent comme des catalogues de commerce à distance, avec des petites phrases pour plaire à tout le monde. Les clips publicitaires déferlent. Hélas, si la communication est forte, la substance l’est moins.
Néanmoins, la résilience constitue une qualité certaine de Ursula von der Leyen. Elle en aura bien besoin. Il ne faut pas entretenir d’illusions. Pour elle, à certains égards, la pandémie a constitué une aubaine. Elle a obligé les gouvernements à un peu de solidarité et montré que l’Europe avait une utilité (malgré une série de discours irréfléchis et malheureux sur son faible rôle). Les nombreuses vagues fortes qui s’annoncent, de l’énergie au climat en passant par la discipline budgétaire, la défense, et le respect de l’Etat de droit, n’offriront pas les mêmes avantages. Il faudra que la présidente de la Commission améliore la qualité de son jeu, sinon elle court le risque, réel, de se faire engloutir par cette marée.
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