Récemment, Ursula von der Leyen promettait un nouveau paquet de sanctions, non adopté. De même, plus grave encore, pour le million d’obus promis, non livré. On en reste loin, et la variété (harmonisée) des armes promises fait encore plus défaut. La mobilisation dans la production d’armements devient bien plus forte en Russie que dans les pays occidentaux. Charles Michel, aussi, promettait de soutenir l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Malheureusement, le budget supplémentaire à cette fin reste bloqué au Conseil européen, déjà pour l’année prochaine.
De plus, les armements fournis trop tard par les alliés n’ont pas suffi pour l’offensive pourtant réclamée à Kiev. Les transferts immédiats des Etats-Unis en faveur d’Israël montrent par comparaison tout ce qui n’a pas été fait pour l’Ukraine (et, avec des stocks limités, ce qui part vers l’un n’ira pas vers l’autre). L’Europe de l’Est aussi promettait un soutien total à l’Ukraine, mais la Pologne bloque déjà ses camionneurs et, avec d’autres pays, ses exportations de céréales.
En outre, les gouvernants européens témoignent un soutien tout à fait chaotique mais en réalité inconditionnel au gouvernement israélien dans sa liquidation de Gaza (et son occupation insidieuse de la Cisjordanie). Résultat immédiat: une fracture tant à l’ONU que dans la population européenne. Tout le monde voit bien maintenant que l’Europe éprouve pour le droit international un amour à géométrie très variable. Le massacre des civils constitue une honte en Ukraine, mais un problème collatéral à Gaza.
« Que décide l’Europe pour faire oublier ses promesses non tenues?
Des promesses plus insensées, bien sûr. «
La menace atomique de Poutine est un scandale, celle du gouvernement israélien une anecdote. Les morts blancs valent plus que les autres. Pour couronner le tout, la guerre de Gaza fragilise Joe Biden et renforce les chances de réélection de Donald Trump en 2024 (son parti prend déjà une attitude plus hostile à l’égard de l’Ukraine). Et, si Israël renforce son occupation en Palestine, cela constituera une vraie bénédiction pour les ambitions territoriales de Vladimir Poutine et de Xi Jinping. Notre crédibilité internationale devient nulle. Dès lors, les conséquences négatives pour l’Ukraine seront considérables, surtout si cela dure.
Que décide l’Europe pour faire oublier ses promesses non tenues? Des promesses plus insensées, bien sûr. Ursula von der Leyen veut une Union européenne à 32 ou 35 membres sans réforme profonde, et Charles Michel la veut même pour 2030. La meilleure stratégie pour désintégrer le navire. Qui, en effet, peut croire un instant que tous les problèmes constatés ici seront miraculeusement améliorés dans une Europe encore élargie dans tous les sens, avec des blocages encore plus forts? Et avec une Russie de plus en plus menaçante et armée à ses frontières? Tout cela renforcera vite la crise de confiance de l’opinion. L’irresponsabilité actuelle apparaît d’autant plus dangereuse que, si quelque chose tourne mal, en Palestine comme en Ukraine, l’Europe subira de loin les dommages les plus graves. Il serait grand temps qu’elle se mobilise enfin. Par des sacrifices puissants de tous, et non plus par des discours fumeux.
Franklin Dehousse est professeur à l’ULiège, ancien représentant de la Belgique dans les négociations européennes, ancien juge à la Cour de justice de l’UE.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici