Thierry Fiorilli
C’est beau comme Margaux qui se relève, par Thierry Fiorilli (chronique)
Le 27 janvier dernier, Margaux Duguet s’est livrée sur Twitter: 42 messages, de 17h47 à 20h04. Avec comme premier message: « Mon bébé dort. J’ai pris la décision de vous raconter mon histoire. Ce sera long, je tremblerai d’émotion mais si cela peut aider des femmes… »
Elle s’appelle Margaux. Margaux Duguet. Journaliste. Elle a publié un livre, avec deux consoeurs, en 2019, sur la souffrance au travail des agents du service public français Pôle emploi. La détresse, elle connaît, donc. Celle qui squatte le moindre méandre des veines. Qui gobe. Qui réduit à copeaux. A confettis d’après-fête, avec les traces de talons dessus. Le 27 janvier dernier, Margaux s’est livrée sur Twitter: 42 messages, de 17 h 47 à 20 h 04. De « ça y est mon bébé dort. J’ai pris la décision de vous raconter mon histoire. Ce sera long, je tremblerai d’émotion mais si cela peut aider des femmes » à « vous faites un travail incroyable, peu reconnu et pourtant tellement précieux. Je vais vous laisser, mon bébé pleure. » Un trésor dans une décharge.
Mon bu0026#xE9;bu0026#xE9; dort. J’ai pris la du0026#xE9;cision de vous raconter mon histoire. Ce sera long, je tremblerai d’u0026#xE9;motion mais si cela peut aider des femmes…
Margaux tombe enceinte avant le premier confinement. Elle « tremble d’attraper ce fichu virus. Le moral n’est pas au top mais le petit coeur se développe bien alors on tient. » Déconfinement: « fatiguée » mais « les beaux jours sont synonymes d’espoir ». Sauf que « fin juillet, à cinq mois et demi de grossesse, j’ai des contractions très rapprochées. Mon col est rétréci, il faut m’hospitaliser d’urgence ; quatre jours d’angoisses absolues à la clinique. » On lui dit « ne stressez pas, c’est pas bon pour le bébé ». Mais « je n’y arrive pas, j’ai tellement peur de le perdre ». Bref, « mon cerveau se met en mode survie ».
Retour maison et statut de « MAP (menace d’accouchement prématuré). Alitée tout le temps. Un confinement de l’extrême. Je dois tenir le plus longtemps possible. Mes parents et mon mari me soutiennent beaucoup mais ils doivent continuer à vivre. » Et puis, « le jour de la 37e semaine, j’ai la poche des eaux qui se fissure. Mon esprit a lâché, mon corps a suivi. » Naît le bébé. « Merveilleuse mais toute petite: 2,3 kilos. Je culpabilise, j’aurais pu tenir plus. Je vérifie tout le temps sa respiration. »
Back home. « L’enfer des nuits commence. Je ne dors plus. Je surveille en permanence que tout aille bien. Mon mari reprend le travail, moi je plonge. » Et « boum, l’annonce du second confinement. Je le sais: je ne tiendrai pas. Je veux que tout s’arrête, je vois la fenêtre ouverte, j‘ai des idées noires. Et je pleure, je pleure, je pleure. Au secours, aidez-moi. Mes parents prennent la décision de nous faire venir chez eux. Mais un soir, je m’écroule en voyant l’eau de la baignoire pas vidée. C’est complètement idiot. Je hurle, je hurle, je hurle. C’est un cri qui vient des tréfonds de mon corps. C’est presque animal. Ma sage-femme est la seule qui a compris: il faut que je sois hospitalisée et avec mon bébé. Dans une unité mère-enfant. »
Margaux y reste « neuf semaines, rencontre des professionnels extraordinaires, aux petits soins, rassurant, écoutant ». Elle apprend à calmer ses angoisses et à « partager avec ces mamans. On se soutient, on se comprend. Nous ne sommes plus seules. Pourtant, le personnel manque, les moyens aussi. » Et ces unités. « Nous sommes beaucoup trop peu nombreuses à être prises en charge. »
C’est quelqu’un qui tombe. Et qu’on relève. Et qui le dit.
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