Franklin Dehousse
Faiblesse du Brexit, force de l’Europe (chronique)
Dans le désastre économique et social du Brexit, nous voyons apparaître tous les coûts de la non-Europe, et, par reflet inversé, tous les bénéfices de l’intégration européenne.
Il reste ardu d’identifier les opportunités du Brexit en Grande-Bretagne. Dans la patrie des Monty Python, cette fonction a même été confiée à un ministre spécial (qui n’a rien trouvé comme réponse). Pour les menaces, en revanche, la lecture des journaux suffit amplement. Ainsi, une pénurie de nombre de médicaments a récemment été déclarée. Le gouvernement a enfin établi ses contrôles aux importations, qui aggraveront encore les charges des entreprises et augmenteront les prix. La disparition de certains légumes, l’absence criante de personnel compétent dans les hôpitaux, le sous-financement des universités faute d’étudiants européens, d’importants transferts d’investissements vers le continent offrent bien d’autres illustrations. Selon les sondages, seuls 10 % de la population considèrent encore que le Brexit constituait une bonne décision.
Pour les pays de l’Union européenne, en revanche, le Brexit offre plusieurs bénédictions. D’une part, les dernières initiatives européennes (vaccins, emprunt, armements) n’ont pas dû être négociées avec un partenaire britannique de plus en plus négatif en tout. D’autre part, les calamités du Brexit livrent un avertissement majeur à tout parti plaidant pour l’exit de son propre pays. Il suffit d’observer, à cet égard, le grand silence de l’extrême droite en Allemagne ou en France (même si elle continue à détester l’Europe).
«Les calamités du Brexit offrent un avertissement majeur à tout parti plaidant pour l’exit de son propre pays.»
Les «Brexiteers» avaient naguère annoncé que la Grande-Bretagne récupérerait de l’argent (notamment pour son service de santé). Le contraire s’est produit. Les bénéfices diffus de l’intégration du marché unique sont difficiles à quantifier, mais en réalité beaucoup plus élevés que la contribution nette au budget européen. Le NHS est maintenant exsangue et une file d’attente de douze mois attend les candidats à de nombreuses opérations.
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Les Brexiteers avaient annoncé la réduction des charges bureaucratiques. Le contraire s’est produit. On a dû recréer à prix fort beaucoup d’administrations. Les entreprises subissent deux contrôles cumulatifs, celui de leur pays et celui de l’UE, inévitables si elles veulent exporter dans les 27 Etats membres. Raison pour laquelle les opérateurs britanniques ont multiplié leurs implantations sur le continent. Ainsi, par exemple, la commercialisation des médicaments est devenue plus lourde, plus longue et plus coûteuse.
Les Brexiteers avaient promis de compenser les pertes commerciales en Europe par des gains commerciaux dans le reste du monde. Le contraire s’est produit. La négociation d’accords avec des partenaires non européens a été difficile. Elle n’a amené aucune concession supplémentaire. En réalité, les Britanniques ont payé très cher la reproduction des concessions dont ils bénéficiaient déjà comme membres de l’Union.
Dans le désastre économique et social du Brexit, nous voyons apparaître tous les coûts de la non-Europe, et, par reflet inversé, tous les bénéfices de l’intégration européenne. D’où le danger des présentations simplistes, omniprésentes dans le débat électoral actuel. Comme dirait Emmanuel Macron, l’Europe est «en même temps» mal gérée et productrice d’efficacité entrepreneuriale, en même temps génératrice d’inégalités et d’enrichissement. La vie est complexe.
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